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littérature romaine

  • Pline le Jeune : sa vie, ses oeuvres

    Rien de plus calme, de plus uni et de mieux connu que la vie de Pline le Jeune. Né à Côme ( vers 61), il perdit son père, Cecilius dans sa quinzième année et fut alors adopté par son oncle maternel, Pline l'Ancien. Après avoir été élève de l'école de Quintilien, il alla porter les armes en Orient et profita surtout de ce séjour lointain pour écouter les rhéteurs et les philosophes qui y affluaient . Quand il arriva à Rome, sous Domitien (81-96), il entra dans la carrière des honneurs, qui aurait pu s'interrompre rapidement si la mort de l'empereur était intervenue plus tardivement.

    En effet, après la mort de Domitien, on trouva dans sa cassette une accusation contre Pline le Jeune, mais avec deux empereurs comme Nerva (96-98) et Trajan (98-117) les honnêtes gens se rassurèrent : Pline remporta de grands succès au barreau et dans le Sénat, où il accusait les gouverneurs concussionnaires Bebius Massa, Classicus et Marius Priscus. Très estimé de Trajan , il fut chargé par lui d'une mission extraordinaire en Bithynie (sur la côte Nord de l'Asie Mineure), avec le titre de légat. C'est là et à ce moment qu'il écrivit au prince, à propos des poursuites qu'il avait du exercer contre des chrétiens, la lettre fameuse qui est, avec la réponse du prince un des plus anciens et des plus importants documents sur l'histoire du christianisme. Il mourut peu de temps après son retour vers l'an 114.

    Son recueil de Lettres comprend neuf livres auxquels il faut ajouter sa correspondance avec l'empereur. Nous avons aussi de lui le Panégyrique de Trajan. Ce discours oppose, dans une longue suite de tableaux contrastés, la sécurité et la paix du nouveau régime à la tyrannie et à la terreur du temps de Domitien. Pline avait aussi publié ses plaidoyers, ses discours au Sénat, un recueil de vers, mais ces ouvrages sont hélas perdus.

    Michel Escatafal

  • Quintilien : la vie et l'oeuvre de cet enseignant de l'éloquence

    Histoire romaine, littérature romaine, quintilien, Vespasien, DomitienComme Sénèque, Lucain, Martial, Quintilien était d’origine espagnole. Il naquit vers l’an 35, à Callaguris (aujourd’hui Calahorra), dans la grande province appelée à l’époque Tarraconaise (Aragon, Catalogne, Asturies). Son père qui fut rhéteur ou avocat, voulait certainement pousser son fils vers l’une de ces deux professions, car, amené de bonne heure à Rome, le jeune homme reçut d’abord les leçons du fameux grammairien Palémon et, plus tard, suivit Domitius Afer, un orateur qui prétendait alors soutenir la tradition classique. On a pensé que Quintilien, après ses études, ayant ouvert une école de rhétorique, ne connaîtrait pas la réussite, ce qui pouvait s’expliquer par le fait que le goût de Sénèque triomphait alors. Cela dit, il retourna en Espagne avec Galba, nommé par Néron gouverneur de la Tarraconaise (60). Au bout de huit ans, Galba, élevé à l’empire, ramenait avec lui Quintilien, qui commença sa carrière littéraire. Il débuta par des plaidoyers et obtint très vite un grand succès grâce à l’affaire d’un certain Naevius Arpinianus, mari trop violent, qui avait jeté sa femme par la fenêtre. Comme avocat, Quintilien nous apprend lui-même qu’il se distinguait par la méthode, disons plutôt sa méthode. Il excellait à établir la cause, à en tracer les grandes lignes, et, lorsque dans un procès il y avait plusieurs avocats, on le chargeait toujours de la narration, c’est-à-dire de l’exposé des faits.

    Au commencement du règne de Vespasien (69), sa réputation était faite : c’est alors que le nouvel empereur le nomma à la première chaire publique d’éloquence. Pour cela il recevait un traitement annuel de 100.000 sesterces, somme importante pour l’époque si l’on considère que cela pourrait représenter au moins autant d’euros de nos jours. Pendant vingt ans Quintilien, suivant le mot de Martial, « fut le guide éminent de la jeunesse romaine ». A peine avait-il pris sa retraite, comme nous dirions, que Domitien (empereur 81-96) lui confia l’éducation de deux de ses neveux. Ces enfants étaient les fils de Flavia Domitilla qui, accusée de superstition étrangère, sans doute de christianisme, ne tarda pas à être exilée. Pendant ce très court préceptorat, Quintilien fut comblé d’honneurs, Domitien lui accordant même les ornements consulaires. A ce propos on peut se demander pourquoi a-t-il fallu que le vieux maître ait cru devoir payer au prince sa dette de reconnaissance par les plus plates adulations ?

    Les dernières années de Quintilien connurent de douloureuses épreuves. Il perdit sa jeune femme, puis un fils et, peu de temps après, son dernier enfant, pour lequel il avait une tendresse particulière. « Ce fils, qui promettait tant, en qui j’avais placé toute l’espérance de ma vieillesse, ce fils m’a été ravi, et, avec lui, tout ce qui me consolait du passé ». Il poursuivit cependant la composition de son Institution oratoire commencée avant ce deuil cruel». Cet ouvrage, destiné d’abord à son fils et à celui de son ami Marcellus Victorius (sénateur) fut dès lors à l’adresse de toute la jeunesse studieuse. L’Institution oratoire, c’est-à-dire l’Education de l’orateur, est un cours complet d’enseignement oratoire.

    Quintilien lui-même a tracé les grandes divisions de son livre de façon à nous dispenser d’en faire l’analyse : « Mon premier livre, dit-il, contiendra tout ce qui précède les fonctions du rhéteur (c’est-à-dire l’éducation de la première enfance et l’enseignement donné par le grammairien). Dans le second, je traiterai des premiers éléments de la rhétorique, et des questions qui ont pour objet la nature même de la rhétorique. Je consacrerai les cinq livres suivants à l’invention et à la disposition, les quatre autres à l’élocution y compris la mémoire et l’action. Enfin dans un dernier livre, qui regardera la personne même de l’orateur, j’expliquerai… quelles doivent être ses mœurs, ce qu’il doit observer dans les causes qu’il entreprend… quel genre d’éloquence il y doit employer, quel doit être le terme de ses travaux oratoires et à quelles études il doit se livrer dans sa retraite ».

    Outre l’Institution oratoire nous avons, sous le nom de Quintilien, un recueil de Déclamations qu’on ne saurait vraiment lui attribuer. Les anciens possédaient aussi un traité sur les Causes de la corruption de l’éloquence et un Manuel de rhétorique.

    Michel Escatafal

  • L'historien Suétone avait aussi un talent d’écrivain

    Pour chacune de ses principales biographies, Suétone a suivi un plan uniforme : il conte d’abord la vie du prince avant son avènement, puis énumère les faits de son règne, en rapportant ses vices et ses vertus, en donnant des détails sur son genre de vie, sur sa personne. Ensuite il passe aux présages qui ont annoncé sa mort, au tableau de ses funérailles, et aux évènements qui les ont suivies. Nulle considération générale, nulle vue d’ensemble, rien que des détails. Bien plus, Suétone ne se préoccupe pas de savoir si ces détails sont caractéristiques : le lecteur fera son choix. En tout cas pour lui, il est suffisant qu’ils soient vrais. Du reste, jamais de passion, pas même de préférences : il ne songe pas, comme Tacite, en faisant son enquête, à assurer l’immortalité à la vertu et à vouer le vice à l’infamie. Sa curiosité, très vive, n’a d’autre objet qu’elle-même. Il enregistre toutes choses avec une parfaite impassibilité. Ce serait l’idéal du désintéressement scientifique, si ce n’était le comble de la froideur.

    En fait Suétone n’a pas composé une histoire, mais il a laissé les matériaux les plus précieux aux historiens à venir. Son extraordinaire tranquillité d’âme nous assure qu’il ne songe jamais à tromper le lecteur. Sa curiosité minutieuse, patiente et exacte est une garantie qu’il ne s’est guère laissé tromper lui-même. Comme il n’a aucune préoccupation d’artiste, qu’il ne choisit pas, qu’il dit tout ce qu’il sait, il peut aider à reconstituer des physionomies complètes, sans aucun trait de fantaisie. Avec lui apparaît une nouvelle conception de l’histoire, que Quintilien formulait déjà en disant « l’histoire a pour but d’exposer, non de prouver ».

    Donner à des faits exacts une forme précise et nette, là se borne l’ambition littéraire de Suétone. Il lui est toutefois arrivé d’atteindre à l’éclat et, soutenu par son sujet, à tracer un grand tableau : c’est quand il a raconté la mort de Néron. La fuite du tyran dans la nuit, ses hésitations devant la mort, sa folie de métromane qui fait des citations d’Homère quand ses ennemis approchent, son attendrissement vaniteux sur le « grand artiste » que Rome va perdre en lui, puis ce cadavre « avec ces yeux ouverts et fixes, objet d’horreur et d’épouvante pour ceux qui le regardaient », ce mélange de grotesque et de terrible, tout cela forme une scène telle que Montesquieu a pu dire : « Deux chefs-d’œuvre : la mort de Pompée dans Plutarque, et celle de Néron dans Suétone ». Tout cela pour dire qu’une fois au moins Suétone a eu l’honneur de pouvoir suppléer à Tacite, car la fin du règne de Néron manque dans les Annales.

    Michel Escatafal

  • Suétone, l’historien de douze Césars

    Suetone.jpgSuétone a été le contemporain de Tacite et a écrit sur le même temps, ce qui signifie un voisinage compliqué compte tenu du génie de Tacite. C’est la raison pour laquelle il serait imprudent de comparer Suétone à Tacite. Il faut donc le juger en lui-même et reconnaître que son œuvre, très inférieure aux Annales, ne laisse pas d’être intéressante.

    Nous ignorons le lieu de naissance de Suétone qu’on place généralement entre les années 75 et 77, en pleine époque du règne de Vespasien (69-79). Fils d’un officier subalterne, il servit sans doute lui-même, suivant l’usage romain, et débuta assez jeune au barreau. Bientôt sa vocation littéraire se fit jour, car, en l’an 105, Pline le priait vivement de publier ses ouvrages. Son érudition le rendit vite célèbre, au point que ce même Pline, dans une lettre à Trajan, proclama Suétone « le plus savant de tous les Romains ».

    Cela étant la fortune ne lui vint pas avec la réputation. A ce propos nous savons, par une lettre de Pline encore, que ses ressources ne lui permettaient d’avoir qu’une fort modeste villa. Après la mort de Trajan (117), quand Hadrien monta sur le trône, Suétone devint son secrétaire, la nature de ses travaux le désignant à la faveur d’un prince, grand amateur d’archéologie. Mais un différent avec l’impératrice Sabine, très soucieuse de l’étiquette de la cour, fit rentrer Suétone dans une retraite d’où il ne sortit plus jusqu’à sa mort (130).

    Il avait donné des œuvres très nombreuses, toutes sur des sujets d’archéologie et d’histoire, des traités sur les jeux des Grecs, sur les jeux et les spectacles des Romains, sur l’armée romaine, des commentaires, des biographies sur les poètes et les rhéteurs célèbres, enfin son chef d’œuvre, les Vies des douze Césars, seul ouvrage qui, par chance, soit intégralement conservé. Dans un prochain article, j’évoquerai plus longuement la valeur de cette œuvre, et le vrai talent d’écrivain de Suétone.

    Michel Escatafal

  • Tacite, véritable historien du principat à Rome

    Tacite, Tite-Live, empire romain, NéronComme Tite-Live, et comme les anciens en général, Tacite a cru que l’histoire avait pour objet de donner un enseignement moral et politique : "Je suis persuadé, dit-il, que le principal objet de l’histoire est de préserver les vertus de l’oubli et d’attacher aux paroles et aux actions perverses la crainte de l’infamie et de la postérité". Il a écrit pour soulager sa conscience et celle de ses contemporains, pour témoigner contre les tyrans et en faveur des bons princes : « Je ne craindrai pas d’entreprendre des récits où seront consignés le souvenir de la servitude passée et le témoignage du bonheur présent ». Il a pensé que les exemples qu’on trouverait dans son livre aideraient les hommes à se guider dans la vie publique ou privée : « Peu de gens distinguent par leurs seules lumières ce qui avilit de ce qui honore, ce qui sert de ce qui nuit ; les exemples d’autrui sont l’école du plus grand nombre ». Il n’y a donc rien de nouveau dans le dessein que forme Tacite en écrivant l’histoire.

     

    Mais, dans l’exécution, son œuvre diffère de celle de Tite-Live. Bien plus que son devancier, il sentit le besoin de l’exactitude, éprouva aussi une curiosité bien plus vive, bien plus large et exerça sur les faits une enquête plus étendue et plus attentive. Comme Tite-Live, il a consulté tous les historiens qui l’ont précédé et les cite souvent, soit en les nommant, soit en faisant allusion à leurs ouvrages. Les mémoires des grands personnages, les discours des hommes politiques, les pièces officielles ont été mis en œuvre par lui, mais la tradition orale ne lui a pas paru devoir être négligée. En fait, la curiosité de Tacite est dirigée par une critique qui peut parfois manquer de sûreté, mais qui ne cesse pas d’être en éveil. Chez lui, nulle complaisance pour les légendes, et il nous en avertit : «  Je ne donne rien à l’amour du merveilleux ». Chaque témoignage est soigneusement pesé, et s’il prend parti, il n’omet pas de nous prévenir que son affirmation n’a que la valeur d’une opinion personnelle.

     

    On aurait donc grand-peine à nier son effort pour être vrai, mais cela n’empêchera jamais qu’on discute son impartialité, malgré ses dénégations. En vain a-t-il déclaré qu’il n’apportait dans son œuvre « ni haine, ni faveur », qu’il voulait éviter la malignité « qui plaît par un certain air d’indépendance ». On a vu en lui un partisan entêté de l’ancienne aristocratie, un adversaire du régime impérial, « un fanatique pétillant d’esprit », comme disait Voltaire. Et pourtant, rien dans sa conduite ni dans son œuvre, ne justifie ces imputations. Nous savons certes qu’il exerça des charges publiques sous Domitien, mais sa conduite consista alors à chercher un milieu « entre l’opposition qui amène la ruine et la servilité qui cause la honte ». Dans son livre il ne laisse jamais échapper une parole de révolte.

     

    Pour lui, après Actium « l’établissement du pouvoir d’un seul fut une des conditions de la paix publique ». Il ne regrette ni le gouvernement du peuple, « qui désire et redoute à la fois les révolutions », ni celui de l’aristocratie, « car la domination du petit nombre ressemble au despotisme des rois ». Un Etat, où démocratie, aristocratie, monarchie pourraient se mêler et se tempérer, voilà, selon lui, l’idéal, mais il n’y croit pas : « Un pareil gouvernement est plus facile à louer qu’à établir, et, fût-il établi, il ne saurait durer ». Ajoutons que le ton de Tacite est toujours grave, qu’il ne sent jamais le pamphlet ni la déclamation, que parfois même, au lieu de s’indigner de certains actes qui provoqueraient une indignation bien naturelle, il en recherche froidement les causes. Pourquoi donc l’accuser de partialité ?

     

    Ne serait-ce point qu’on a trouvé quelque invraisemblance dans les tableaux qu’il trace de la servilité du peuple, de la lâcheté du Sénat, de la cruauté des empereurs ?   Mais à lire ses contemporains, Pline le Jeune, Suétone, on s’aperçoit qu’ils confirment ses témoignages, quelquefois les aggravent. Ne serait-ce point encore qu’on sent partout chez lui l’amertume, une résignation au fait accompli, qui ressemble à du désespoir, la haute et profonde mélancolie d’une âme honnête et virile blessée par l’abaissement moral de son époque ? Mais cela, c’est le génie même de Tacite, et c’est ce qui donne à son livre son accent et sa couleur propres, sa vérité aussi,  car la poignante impression qu’il nous laisse est bien celle qu’il faut garder d’un temps, où de grands progrès de civilisation s’accomplirent sans doute, mais qui oppresse la conscience d’une angoisse pesante.

     

    En parlant de vérité, il faut quand même noter dans son œuvre, non seulement des erreurs de détail que l’on pourrait presque considérer comme inévitables, mais aussi quelques préjugés surannés, comme sa haine pour les étrangers, sa dureté pour les esclaves, ses préventions contre les juifs et les chrétiens, mais cela n’empêche pas Tacite de demeurer  le véritable historien, sinon de l’empire romain, du moins du principat, à Rome. A ce propos, Tacite  a fait plus de portraits à lui seul que tous ses devanciers et sans doute de plus vrais. Si j’écris « sans doute », c’est une manière de dire que s’ils ne sont pas plus vrais que ceux de Tite-Live et de Salluste, en tout cas ils sont plus réels, projetant sur ses personnages un rayon de lumière éclairant toute leur âme et mettant à nu le secret de leur vie. Le meilleur exemple en est Néron. En effet, après nous l’avoir montré avec ses mauvais instincts qui l’ont conduit à l’orgie sanglante de la fin de son règne, Tacite ajoute ces mots : « Néron eut la passion de l’impossible », ce qui peut conduire à comprendre d’une certaine manière la destinée à la fois grotesque et terrible de cet histrion couronné.    

     

    Ceci nous permet de comprendre pourquoi, contrairement à d’autres auteurs de son époque connus ou inconnus, il avait dans l’esprit trop d’élévation et de gravité pour être dominé par la préoccupation de faire une œuvre d’art. Cependant il vivait à une époque trop cultivée, et il était trop cultivé lui-même, pour dépouiller toute ambition littéraire en écrivant son livre. Ainsi, sur la fin de sa vie, quand il composa ses Annales, jetant un coup d’œil sur les tableaux qu’il avait déjà tracés, sur ceux qui lui restaient à tracer encore, et les comparant aux peintures de ses prédécesseurs, il s’inquiéta craignant que sa matière n’offre trop peu d’intérêt au lecteur. Il est certain que cette histoire du principat, restreinte presque complètement aux intrigues du palais, aux persécutions des adversaires de l’empereur, pouvait aisément devenir monotone et mesquine, mais Tacite sut triompher de ces difficultés. Chez lui, point d’uniformité dans son livre, mais une unité puissante de couleur et de ton. En outre, sous l’apparente monotonie des actes du despotisme, il savait retrouver et traduire l’éternelle variété de la nature humaine, soutenant l’âme du lecteur, que pourrait lasser l’abjection des acteurs de son drame, en évoquant partout la conscience comme un juge invisible et présent.

     

    Il chercha surtout l’intérêt dans les luttes qui se livraient au fond des âmes. Nul historien, dans aucun temps, n’a possédé plus que lui la faculté de démêler les motifs secrets des actions humaines. Son observation est si délicate et si pénétrante, elle parcourt avec une telle exactitude les replis des cœurs, que parfois ses maximes surprennent et ressemblent à des paradoxes : « Il est dans la nature humaine, dira-t-il par exemple, de haïr ceux qu’on a offensés ». Beaucoup ont discuté la valeur historique de l’ouvrage de Tacite, mais personne n’a songé à nier qu’il fût entre tous un psychologue délié et profond.

     

    Michel Escatafal