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histoire de rome

  • L'historien Suétone avait aussi un talent d’écrivain

    Pour chacune de ses principales biographies, Suétone a suivi un plan uniforme : il conte d’abord la vie du prince avant son avènement, puis énumère les faits de son règne, en rapportant ses vices et ses vertus, en donnant des détails sur son genre de vie, sur sa personne. Ensuite il passe aux présages qui ont annoncé sa mort, au tableau de ses funérailles, et aux évènements qui les ont suivies. Nulle considération générale, nulle vue d’ensemble, rien que des détails. Bien plus, Suétone ne se préoccupe pas de savoir si ces détails sont caractéristiques : le lecteur fera son choix. En tout cas pour lui, il est suffisant qu’ils soient vrais. Du reste, jamais de passion, pas même de préférences : il ne songe pas, comme Tacite, en faisant son enquête, à assurer l’immortalité à la vertu et à vouer le vice à l’infamie. Sa curiosité, très vive, n’a d’autre objet qu’elle-même. Il enregistre toutes choses avec une parfaite impassibilité. Ce serait l’idéal du désintéressement scientifique, si ce n’était le comble de la froideur.

    En fait Suétone n’a pas composé une histoire, mais il a laissé les matériaux les plus précieux aux historiens à venir. Son extraordinaire tranquillité d’âme nous assure qu’il ne songe jamais à tromper le lecteur. Sa curiosité minutieuse, patiente et exacte est une garantie qu’il ne s’est guère laissé tromper lui-même. Comme il n’a aucune préoccupation d’artiste, qu’il ne choisit pas, qu’il dit tout ce qu’il sait, il peut aider à reconstituer des physionomies complètes, sans aucun trait de fantaisie. Avec lui apparaît une nouvelle conception de l’histoire, que Quintilien formulait déjà en disant « l’histoire a pour but d’exposer, non de prouver ».

    Donner à des faits exacts une forme précise et nette, là se borne l’ambition littéraire de Suétone. Il lui est toutefois arrivé d’atteindre à l’éclat et, soutenu par son sujet, à tracer un grand tableau : c’est quand il a raconté la mort de Néron. La fuite du tyran dans la nuit, ses hésitations devant la mort, sa folie de métromane qui fait des citations d’Homère quand ses ennemis approchent, son attendrissement vaniteux sur le « grand artiste » que Rome va perdre en lui, puis ce cadavre « avec ces yeux ouverts et fixes, objet d’horreur et d’épouvante pour ceux qui le regardaient », ce mélange de grotesque et de terrible, tout cela forme une scène telle que Montesquieu a pu dire : « Deux chefs-d’œuvre : la mort de Pompée dans Plutarque, et celle de Néron dans Suétone ». Tout cela pour dire qu’une fois au moins Suétone a eu l’honneur de pouvoir suppléer à Tacite, car la fin du règne de Néron manque dans les Annales.

    Michel Escatafal

  • L'histoire après Tite-Live c'est d'abord l'oeuvre de Tacite

    Après Auguste, empereur tolérant par politique, vint l'époque des Tibère, Caligula, Claude et Néron, personnages soupçonneux ou affolés de pouvoir absolu. Une œuvre véritablement historique était alors impossible. Sous Tibère (14-37), Crémutius Cordus voyait son livre condamné à être brûlé par la main du bourreau, parce qu'il contenait l'éloge de Brutus et de Cassius. Aussi est-ce l'époque des abrégés, comme celui de Velléius Paterculus (sous Tibère), des recueils d'anecdotes morales ( Valère-Maxime, sous Tibère aussi), des compositions romanesques, comme l'Histoire d'Alexandre par Quinte-Curce, sous le règne de Claude (41-54). Avec Nerva (96-98) et Trajan (98-117) cesse le régime de la terreur, "on commence à respirer", et nous devons à cet heureux moment du principat un des plus beaux monuments de la littérature romaine, l'œuvre de Tacite.

    Dès son premier écrit, le Dialogue des orateurs, composé sous Titus (79-81) et au début du règne de Domitien (81-96), nous sommes face au morceau de critique le plus brillant et le plus profond que nous ait légué l'antiquité romaine. Plus tard, au commencement du règne de Trajan, Tacite fit paraître la Vie d'Agricola, livre souvenir de la tyrannie à l'époque de Domitien. Peu après suivit la Germanie, sorte d'étude de géographie et d'ethnographie, prémices des Histoires, comprenant les évènement allant de la mort de Néron (68) à celle de Domitien. Enfin les Annales sont l'œuvre de la vieillesse de l'historien, une œuvre où après avoir remonté dans le passé jusqu'à la mort d'Auguste (14), Tacite y racontait les règnes de Tibère, Claude et Néron (54-68). Hélas pour les Annales, comme pour les Histoires, le temps n'a épargné que quelques livres. Néanmoins ce qui nous reste des débris des Annales suffit à nous montrer qu'il s'agit du chef d'œuvre de Tacite et d'un des plus magnifiques témoignages attestant des évènements qui ont fait l'histoire de Rome. Je reviendrai plus longuement dans un prochain article sur la vie, les œuvres et l'art de cet auteur de génie.

    Michel Escatafal

  • Pline l'Ancien : une vie assez courte, mais une oeuvre volumineuse

    histoire de rome,littérature romaine,pline l'ancien,pline le jeune,tibère,caligula,claude,titus,vespasien,herculanum,pompéiNé à Novum Comum (Côme aujourd’hui) en 23, sous Tibère, Pline l’Ancien fit ses études à Rome sous la direction du grammairien Apion qui, tout en enseignant les lettres et l’histoire, était aussi versé dans les diverses sciences. Ses études finies, Pline qui, en sa qualité de chevalier, était admis dans les grandes familles, vit de près la cour des empereurs Caligula (37-41) et Claude (41-54). Ensuite, après un court séjour en Afrique, il alla commander une aile de cavalerie en Germanie, où il fut le compagnon d’armes du futur empereur Titus (79-81). Très en faveur sous Vespasien (69-79), avec lequel il vécut dans une sorte d’intimité, il se vit chargé, avec le titre de procureur, de l’administration de plusieurs provinces. Enfin, c’est sous Titus, au moment de l’éruption du Vésuve qui engloutit Stabies, Herculanum et Pompéi, qu’il périt, à peine âgé de cinquante six ans, en observant le phénomène à Stabies (79). A cette époque il commandait une flotte rassemblée à Misène (près de Naples), pour défendre les côtes de l’Italie méridionale contre les pirates.

     

    Si cette vie assez courte se déroula presque tout entière dans les charges militaires et politiques, sans se dérober un seul instant, comme les anciens Romains, à ses devoirs civiques, elle n’empêcha pas son œuvre d’être volumineuse. En effet, outre son vaste ouvrage sur l’Histoire naturelle, il laissa un grand nombre d’écrits sur les sujets les plus divers : un traité d’art militaire sur la Manière de lancer le javelot à cheval, une Histoire des guerres de Germanie, très consultée par Tacite, un ouvrage sur l’Homme de lettres, une Dissertation grammaticale sur l’équivoque, enfin une Histoire de son temps.

     

    On aurait peine à comprendre pareille fécondité sans les détails que son neveu et lui-même nous ont laissés sur son prodigieux labeur. Levé avant le jour, Pline travaillait même la nuit : c’est ce qu’il appelait ses « moments de loisirs ». Partout il était accompagné d’un secrétaire à qui il dictait des notes et des extraits, écoutant des lectures jusque dans son bain. C’est ainsi qu’il laissa à son neveu, Pline le Jeune (61-112), cent soixante cahiers de notes écrits d’une écriture très fine au recto et au verso.

     

    Rien que son Histoire naturelle, le seul de ses ouvrages que nous possédions encore, eût suffi à défrayer l’activité d’un homme laborieux. On en jugera par l’énumération des matières qui y sont contenues. Divisée en trente sept livres, elle s’ouvre par une préface, sous forme de lettre à Titus, et par l’indication des sources où l’auteur a puisé : il a fait dit-il, « vingt mille extraits d’environ deux mille volumes qui proviennent de cent auteurs de choix ». Le second livre est une description physique du monde. La géographie prend les livres III à VI. Le septième livre est consacré à l’étude de l’homme. Il examine ensuite les mammifères dans le huitième, les poissons dans le neuvième, les oiseaux dans le dixième, les insectes dans le onzième. Puis, passant à la botanique, il traita des arbres, des arbrisseaux exotiques dans les livres XII et XIII, des arbres fruitiers dans les quatorzième et quinzième, des plantes et arbres sauvages dans le livre XVI, de l’arboriculture dans le dix-septième, des grains dans les dix-huitième et dix-neuvième, de l’agriculture du vingt au vingt-septième. Il reprend ensuite au point de vue médical l’examen de la botanique (XXVIII, XXXII), et de la zoologie. Enfin la minéralogie, considérée surtout dans ses rapports avec la vie et avec l’art, occupe la partie de l’ouvrage qui s’étend des livres XXXIII à XXXVII. Le livre XXXIV, sorte d’histoire de l’art antique, offre un intérêt tout spécial. Bref, un monument imposant, même s’il n’a rien de véritablement savant, surtout vu de nos jours.

     

    Michel Escatafall