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auguste

  • L'histoire après Tite-Live c'est d'abord l'oeuvre de Tacite

    Après Auguste, empereur tolérant par politique, vint l'époque des Tibère, Caligula, Claude et Néron, personnages soupçonneux ou affolés de pouvoir absolu. Une œuvre véritablement historique était alors impossible. Sous Tibère (14-37), Crémutius Cordus voyait son livre condamné à être brûlé par la main du bourreau, parce qu'il contenait l'éloge de Brutus et de Cassius. Aussi est-ce l'époque des abrégés, comme celui de Velléius Paterculus (sous Tibère), des recueils d'anecdotes morales ( Valère-Maxime, sous Tibère aussi), des compositions romanesques, comme l'Histoire d'Alexandre par Quinte-Curce, sous le règne de Claude (41-54). Avec Nerva (96-98) et Trajan (98-117) cesse le régime de la terreur, "on commence à respirer", et nous devons à cet heureux moment du principat un des plus beaux monuments de la littérature romaine, l'œuvre de Tacite.

    Dès son premier écrit, le Dialogue des orateurs, composé sous Titus (79-81) et au début du règne de Domitien (81-96), nous sommes face au morceau de critique le plus brillant et le plus profond que nous ait légué l'antiquité romaine. Plus tard, au commencement du règne de Trajan, Tacite fit paraître la Vie d'Agricola, livre souvenir de la tyrannie à l'époque de Domitien. Peu après suivit la Germanie, sorte d'étude de géographie et d'ethnographie, prémices des Histoires, comprenant les évènement allant de la mort de Néron (68) à celle de Domitien. Enfin les Annales sont l'œuvre de la vieillesse de l'historien, une œuvre où après avoir remonté dans le passé jusqu'à la mort d'Auguste (14), Tacite y racontait les règnes de Tibère, Claude et Néron (54-68). Hélas pour les Annales, comme pour les Histoires, le temps n'a épargné que quelques livres. Néanmoins ce qui nous reste des débris des Annales suffit à nous montrer qu'il s'agit du chef d'œuvre de Tacite et d'un des plus magnifiques témoignages attestant des évènements qui ont fait l'histoire de Rome. Je reviendrai plus longuement dans un prochain article sur la vie, les œuvres et l'art de cet auteur de génie.

    Michel Escatafal

  • L’étude de la philosophie ne fut pas un goût romain

    Les Romains ont eu pour particularité de n’avoir jamais manifesté un goût particulier pour l’étude de la philosophie, y compris à l’époque de Cicéron ou de Sénèque. Malgré tout son talent, Cicéron n'a jamais pu la rendre populaire. Ainsi quand il parle du succès de ses ouvrages philosophiques,  il entend l’approbation qu’ils reçurent dans le monde des lettres et dans la société distinguée. Encore, quand il s’occupait des grands problèmes, avait-il soin de les traiter avec des préoccupations pratiques, car en elles mêmes les hautes questions n’intéressaient guère les Romains. Ils étaient assurément fort religieux, mais s’attachaient surtout aux formules du culte et, la cérémonie faite, ne sentaient guère d’aspirations curieuses.

    En revanche ils étaient forts soucieux de tout ce qui touchait à la conduite de la vie. Ainsi, après les grands bouleversements de la fin de la République qui entraînèrent la mort de la tradition des mœurs antiques, la religion ne se trouvant pas prête à prendre la direction morale des âmes, la philosophie s’empara de ce rôle. Elle renonça résolument à toute ambition spéculative, et se confina dans la morale restreinte à la morale pratique. « Pour avoir une âme saine, disait  Sénèque, il ne faut guère d’étude; en toute chose, et même en philosophant, nous nous dépensons en superfluités; nous portons notre intempérance générale jusque dans les travaux de l’esprit et nous n’étudions pas pour devenir des hommes, mais pour rester des écoliers ».

    Les philosophes, qui ont vécu au commencement de l’empire, sous Auguste et les premiers Césars, n’ont donc point tant songé à satisfaire l’intelligence, qu’ils ont voulu agir sur les âmes. Plus de recherche scientifique, mais une application constante à trouver des moyens pour guider les mœurs. Ils étudieront l’éloquence, parce qu’elle aide à persuader le bien, et deviendront parfois de véritables prédicateurs.  Ils pénètreront les mouvements secrets du cœur, non par curiosité de connaître les passions, mais par désir de les combattre avec tous les avantages. Ils se feront directeurs de conscience : tels furent les deux Sextius, Fabianus au temps d’Auguste, et, plus tard, sous Néron, ce Cornutus que Perse aima tant.

    Dans ce mouvement, les grandes écoles philosophiques du passé disparaissent sans laisser d’héritiers : « Les branches de la grande famille philosophique meurent, dit Sénèque, et ne poussent plus de rejetons. Les deux académies, l’ancienne et la nouvelle, n’ont plus de pontife. Chez qui puiser la tradition de la doctrine pyrrhonienne relative au pyrrhonisme (doctrine de Pyrrhon caractérisée par un pur scepticisme) ? L’illustre école de Pythagore n’a point trouvé de représentant. Celle des Sextius, qui la renouvelait avec une vigueur toute romaine, suivie à sa naissance avec enthousiasme, est déjà morte ».

    Au milieu de ces ruines, seule une secte subsiste, et attire à elle une foule d’adhérents : le stoïcisme. Non pas le stoïcisme de Zénon et Cléanthe, qui prétendait fournir une explication du monde, mais une doctrine purement morale qui, comme disait Diderot, « détache de la vie, de la fortune, de la gloire, de tous ces biens au milieu desquels on peut être malheureux, qui inspire le mépris de la mort et donne à l’homme et la résignation qui accepte l’adversité et la force qui la supporte ». De cette école le représentant sinon le plus rigoureux et le plus pur, du moins le plus brillant et le plus actif, a été Sénèque, que j’ai souvent évoqué sur ce site.

    Michel Escatafal