Né à la Roche Racan en Touraine, le 5 février 1589, d’une ancienne famille de la noblesse tourangelle, mort le 21 janvier 1670, Honorat de Bueil, marquis de Racan, fut page de la chambre du roi grâce à l’entremise de sa cousine Anne de Bueil, épouse du duc de Bellegarde (1562-1646), grand écuyer de France, avant de servir aux armées. Quittant les armes pour la plume, il va devenir le plus célèbre et le plus remarquable des poètes disciples de Malherbe, qu’il rencontra pour la première fois en 1605, et qu’il considéra toujours comme son maître au point de trop songer à le copier. Cela dit, nombre de ses contemporains ont considéré que le génie de Racan était supérieur à celui de Malherbe, malgré un style plus négligé. Cela lui permettra d’entrer à l’Académie française, l’année même de sa fondation par Richelieu en 1635.
Rien ne serait plus profitable que de comparer quelqu’une de ses pièces, d’une versification à la fois douce et correcte, d’une langue aisée et déjà tellement moderne, avec les poésies des auteurs qui ont précédé immédiatement Malherbe. Cela permettrait aussi de se rendre compte de l’importance des réformes de ce dernier. Racan a laissé une œuvre de longue haleine, les Bergeries, pastorale en cinq actes publiée en 1625, une traduction ou plutôt une paraphrase en vers des Psaumes et des poésies diverses, odes, stances, sonnets, épigrammes. Nous avons encore de lui, outre des lettres, des Mémoires sur la vie de Malherbe.
Dans les Bergeries il y a un morceau célèbre que l’on est obligé de citer, Plaintes d’un vieux berger, même s’il est imité en partie d’une idylle du poète latin Claudien (365-vers 408), le Vieillard de Vérone. Dans les Odes, il y a la célèbre Ode Bachique, adressée à Maynard, président d’Aurillac. Pour mémoire je rappellerais que François Maynard (1582-1646) fut le plus connu, après Racan, des disciples de Malherbe. Je ferme la parenthèse pour dire que dans cette ode, j’ai retrouvé une allusion aux Etats généraux de 1614 qui se tinrent juste après la déclaration de majorité de Louis XIII, sur fond de guerre entre le Tiers Etat et le clergé. Dans un tout autre ordre d’idées, Racan évoque aussi de manière très fataliste l’idée de la mort :
« Buvons Maynard, à pleine tasse :
L’âge insensiblement se passe et nous mène à nos derniers jours ;
L’on a beau faire des prières :
Les ans, non plus que les rivières,
Jamais ne rebrousseront leur cours ».
En résumé, il faut rendre grâce à la postérité d’avoir remis Racan à sa véritable place dans la littérature française. Ce grand poète, en effet, aura su marquer son époque, malgré un manque flagrant de charisme, certains allant jusqu’à dire que le personnage était assez insignifiant, plutôt rustre au point d’être régulièrement moqué des femmes, du moins à ses débuts, et même qu’il n’était pas doté d’une grande intelligence ce qui, évidemment, était trop sévère pour être vrai.
Michel Escatafal