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histoire - Page 19

  • Une grande dame qui se fit remarquer par son esprit

    MlleScudery.jpg

    Née en 1607 d’une famille originaire de Sicile, morte en 1701, Madeleine de Scudéry était la sœur du poète Georges de Scudéry (1601-1667), lequel eut sur elle une influence pour le moins pesante. Ce dernier, ami puis rival de Corneille et auteur de plusieurs tragédies et tragi-comédies, avait grâce à l’assentiment de Richelieu obtenu, après avoir publié ses Observations sur le Cid, que l’Académie Française fit l’examen de cette pièce. Il y fut élu en 1650. Cependant sa notoriété devait beaucoup au nom qu’il portait, grâce à sa sœur, au point que Voltaire disait de lui que « son nom est plus connu que ses ouvrages ».

    Polyglotte (elle parlait outre le français, l’italien et l’espagnol très prisés à l’époque), Madeleine de Scudéry se fit remarquer pour son esprit à l’Hôtel de Rambouillet et, après la Fronde (1648-1653), reçut elle-même chez elle, à ses samedis, quelques uns des personnages les plus distingués de l’époque . Ses interminables romans Artamène ou le Grand Cyrus (1649-1653), Clélie, histoire romaine (1656), jouirent d’une grande réputation à l’époque où ils parurent. Pourtant cette réputation, bien réelle, était due principalement à ce qui, aux yeux de Boileau et de beaucoup d'autres, en fait surtout le défaut, à savoir que sous des noms antiques, Mademoiselle de Scudéry peint, non seulement des caractères modernes, mais des personnages réels et contemporains. C’est ainsi que Cyrus, dans le roman de ce nom, n’est autre que le grand Condé (1621-1686).

    Cela dit la société du temps prenait plaisir à se retrouver elle-même dans ces ouvrages, tandis que la postérité a été surtout frappée de ce qu’il y avait de ridicule à mettre des discours subtils et raffinés dans la bouche de ces rudes héros de l’antiquité. Par exemple, un Cyrus qui fut le véritable fondateur de l’Empire perse ( vers 559-529 av. J.C.), un Brutus (fondateur de la république à Rome et personnage légendaire au VI è siècle av. J.C.), un Horatius Coclès (défenseur du Pont Sublicius face aux Etrusques en 507 av.J.C.). Outre ses romans, Mademoiselle de Sudéry a encore laissé, entre autres ouvrages, dix volumes de Conversations morales, dont les sujets sont le plus souvent frivoles, et le style parfois médiocre, dénué de grâce et d’aisance. Mais les œuvres de Mademoiselle de Scudéry restent du moins comme un document intéressant sur la société française à l’époque de la minorité de Louis XIV.

    Pour ma part si je devais retenir quelques lignes de l’œuvre de Madeleine de Sudéry ce serait, dans Artamène ou le Grand Cyrus, le portrait de la marquise de Rambouillet (1588-1665) sous le nom de Cléomire. En voici un extrait : « Imaginez-vous la beauté même, si vous voulez concevoir celle de cette admirable personne : je ne vous dis point que vous vous figuriez quelle est celle que nos peintres donnent à Vénus, pour comprendre la sienne, car elle ne serait pas assez modeste ; ni celle de Pallas, parce qu’elle serait trop fière ; ni celle de Junon, qui ne serait pas assez charmante ; ni celle de Diane, qui serait un peu trop sauvage ; mais je vous dirai que, pour représenter Cléomire, il faudrait prendre de toutes les figures qu’on donne à ces déesses ce qu’elles ont de beau, et l’on en ferait peut-être une passable peinture. Cléomire est grande et bien faite ; tous les traits de son visage sont admirables ; la délicatesse de son teint ne se peut exprimer ; la majesté de toute sa personne est digne d’admiration, et il sort je ne sais quel éclat de ses yeux, qui imprime le respect dans l’âme de tous ceux qui la regardent…Au reste l’esprit et l’âme de cette merveilleuse personne surpassent de beaucoup sa beauté ».

    Ces lignes sont d’autant plus amusantes que Mademoiselle de Scudéry ne devait pas se marier et ce, pour deux raisons essentielles : elle était pauvre ce qui éloignait les prétendants, et surtout elle était plutôt laide. Cela explique qu’elle ait toujours songé à mériter par son esprit les hommages qui ne pouvaient lui être rendus par un physique disgracieux. Il n’empêche, même si elle ne figure pas parmi les plus grands écrivains d’une époque qui en était fertile, on trouve dans son œuvre plus d’une page remarquable sur l’éducation des femmes, leur esprit, leurs devoirs, leur rôle dans la société.

    Michel Escatafal

  • Il a renouvelé l'étude de la philosophie et des sciences

    descartes.jpgRené Descartes est né le 31 mars 1596 en Touraine à La Haye, qui est devenu ensuite la Haye-Descartes, et qui s’appelle aujourd'hui Descartes tout court, dans le département d’Indre-et-Loire. Après avoir achevé ses études au collège des Jésuites de la Flèche, il résolut de voir le monde et de voyager en gentilhomme à qui sa fortune permet de mener une vie indépendante. C’est ainsi qu’il parcourut une grande partie de l’Europe, prenant même par deux fois du service dans les armées, la première au tout début de la guerre de Trente ans (1618-1648). Cela ne lui donna pas pour autant le goût de l’histoire et des langues,  tant son esprit était occupé à l’étude de la métaphysique et des sciences.

    Cependant, comme Montaigne, dont les leçons et l’exemple devaient être présents à son esprit, le jeune gentilhomme s’entretenait lui-même de l’incertitude de ce qu’on enseignait alors dans les écoles sous le nom des « diverses sciences ». En 1619, une vision lui donna le sentiment qu’il avait enfin trouvé la méthode capable de le conduire au vrai. Il employa sans doute les années qui suivirent à mûrir et à éprouver sa découverte, mais sans renoncer au monde, ni même aux armes, car il combat en 1628 dans l’armée de Richelieu, au siège de la Rochelle.

    Enfin, en 1629, il se fixe en Hollande, et c’est là qu’il publie, en 1637, ce célèbre Discours de la Méthode, dont on dit qu’il marque la naissance de la philosophie moderne, et qui n’est à vrai dire qu’une préface. Il y faisait pour ainsi dire l’histoire de son esprit, racontant par quelles suites de méditations, après avoir fait table rase de toutes ses connaissances précédemment acquises, il était arrivé à se créer une méthode pour refaire par lui-même tout l’édifice de la science. Ensuite il exposait les résultats auxquels il était parvenu  par cette méthode, et ceux qu’il  espérait légitimement  atteindre dans la suite.

    Ce petit livre renouvelait entièrement l’étude de la philosophie et des sciences, quelques objections qu’on ait d’ailleurs pu faire valoir contre l’application de la méthode de Descartes, qui est comme une généralisation de la méthode des mathématiciens, à l’étude des sciences naturelles, en fondant désormais la science non plus sur l’autorité de la tradition, mais sur l’assentiment de la raison. Mais dans l’histoire même de notre langue et de notre littérature, la date de l’apparition du Discours de la Méthode ne saurait passer inaperçue. Il n’est pas sans intérêt de voir la langue française, purgée de tout archaïsme et de tout embarras, se prêter, sous sa forme nouvelle, avec une aisance et une clarté parfaites à l’exposition de ces hautes vérités qu’on croyait volontiers ne pouvoir être aisément et dignement exprimées qu’en latin.

    Les témoignages de l’admiration que le dix-septième siècle, presque tout entier, a vouée à Descartes sont célèbres. Ne parlons pas des éloges que lui décernent les poètes ou les gens du monde, mais Pascal ne l’a combattu qu’après avoir subi son influence. En outre ni Bossuet, ni les messieurs de Port-Royal ne peuvent se défendre d’être en un sens ses disciples. Enfin, le plus grand des philosophes français du dix-septième siècle après Descartes, Malebranche, est aussi le plus grand des cartésiens.

    Descartes est  mort le 11 février 1650 à Stockholm, où il avait été appelé quelques mois auparavant par la reine Christine de Suède à qui il vouait une grande admiration, « en raison de cette grande ardeur qu’elle a pour la connaissance des lettres », pour reprendre les termes de la lettre qu’il fit à Madame Elisabeth, princesse Palatine le 9 octobre 1649. Pour mémoire rappelons que Christine de Suède (1626-1689) succéda à son père Gustave-Adolphe en 1632, abdiqua en 1654, et, malgré ses erreurs et ses crimes,  eut du moins le mérite d’accorder aux littérateurs et aux savants une protection éclairée.

    Michel Escatafal

  • Un poète qui n’aimait pas faire entendre sa voix

    desportes.jpgPhilippe Desportes, né en 1546 à Chartres dans une riche famille bourgeoise, reçut une éducation soignée avant de s’engager dans une carrière ecclésiastique. Poète courtisan, goûté de Charles IX  mais aussi d’Henri III qu’il avait accompagné en Pologne avant son accession au trône de France, applaudi par Ronsard qu’il éclipsa même un temps au point de conquérir les salons les plus raffinés, tel celui de la maréchale de Retz, il reçut en récompense de ses vers de riches abbayes qui lui procurèrent de confortables revenus, entre autres celle de Tiron, près de Chartres. Compromis dans les affaires de la Ligue, il perdit ces abbayes, qui lui furent plus tard restituées par Henri IV.  

    N’ayant essentiellement  composé que des poésies amoureuses, il a laissé dans ce registre trois recueils d’Amours entre 1573 et 1583, les Amours de  Diane, les Amours d’Hyppolite (adressées  à Marguerite de Valois, femme d’Henri de Navarre) et les Amours de Cléonice.  Ces poésies,  imitées souvent des écrivains les plus raffinés de l’antiquité et surtout de l’Italie moderne (Pétrarque), sentent trop l’affectation  pour être considérées comme des chefs d’œuvre. Cependant, outre qu’on ne peut refuser aux meilleures d’entre elles des mérites exquis de charme et d’élégance, elles sont écrites dans une langue plus sûre déjà  que celle des poètes de la Pléiade. Néanmoins les plus grands d’entre eux sont bien au-dessus de Desportes par le génie et l’inspiration.

    Plus tard, à partir de 1591, il travailla sans rencontrer le succès à la paraphrase des Psaumes, qui n’est qu’un commentaire spirituel du texte sacré, mais qui deviendra rapidement  une des formes majeures du lyrisme religieux initié par Baïf et poursuivi ensuite par Bertaut et Malherbe.  Desportes mourra à l’Abbaye Notre-Dame de Bonport  le 5 octobre 1606. Il restera dans l’histoire de la poésie française comme le représentant le plus important, avec Du Bartas, de la fin du seizième siècle, avec une approche poétique infiniment plus intellectuelle que sentimentale.

    Son principal critique sera Malherbe, lequel lui rendra  hommage à sa façon en le critiquant de manière tellement outrancière que ses contemporains estimèrent que cette attitude traduisait une forme d’admiration. En fait le principal reproche que l’on pourrait faire à Desportes, plus que son manièrisme, est son coté servile, courtisan et mondain, bref quelqu’un qui ne fait jamais entendre sa voix. Sa poésie semble n’avoir d’autre fin que lui-même.   

    Michel Escatafal

  • Un poète surtout reconnu à l’étranger

    du bartas.jpgNé à Montfort, près d’Auch, en 1544, docteur en droit en 1567, Guillaume de Salluste, seigneur du Bartas, gentilhomme de la chambre d’Henri de Navarre (futur Henri IV) qui lui  confia plusieurs missions diplomatiques, notamment auprès de Jacques VI d’Ecosse, était un calviniste convaincu. A ce titre il prit part aux guerres de religion, et fut même grièvement blessé à la bataille d’Ivry en 1590. Il publia d’abord un premier poème en six chants, composé à la requête de Jeanne d’Albret (mère du futur HenriIV), Judith. Ensuite il composa une sorte d’épopée religieuse en alexandrins, la Sepmaine (1579) en partie inspirée de Saint-Augustin, qui  se voulait la description et la glorification de l’œuvre des sept jours. Mais si la conception de ce dessein a quelque chose de grandiose, avec une encyclopédie  des connaissances de son époque  qu’il appelait lui-même « le sucre des connaissances humaines », l’exécution est médiocre. 

    Le poème est dépourvu de grâce, de variété, souvent emphatique ou plat, plein de fautes contre le bon goût, de locutions créées, mais plus hardies que pittoresques. Cependant le succès de la Sepmaine  fut très grand auprès  de ses  contemporains, au point qu’il bénéficia d’une gloire qui égalait, voire même surpassait, celle de Ronsard. A ce propos, étonné du succès de ce rival inattendu, le grand maître s’est cru obligé d’écrire : « Il est temps que Ronsard descende du Parnasse et cède la place à Du Bartas que le ciel a fait naître un si grand poète ». La postérité n’a pas ratifié ce jugement, du moins en France, où il reste considéré comme un écrivain de seconde zone. En revanche, à l’étranger, on nomme plusieurs grands poètes, dont  le pamphlétaire anglais Milton (1608-1674) par-dessus tous les autres, qui se sont inspirés de Du Bartas. En outre, l’on cite sans cesse quelques phrases de Goethe singulièrement honorables pour lui.

    En effet, dans une note (sur le Goût) de sa traduction du Neveu de Rameau, Goethe dit que, si les Français ne citent Du Bartas qu’avec mépris (mot qui paraîtrait  excessif de nos jours), les Allemands « aperçoivent dans ses œuvres, étrangement mêlées il est vrai, tous les éléments de la poésie française…Du Bartas a trouvé l’occasion de donner, sous forme de peintures, de récits, de descriptions, de préceptes, un tableau naïf de l’univers…Tout auteur français devrait porter dans son blason poétique un symbole de l’œuvre de Du Bartas ».  Et le génial auteur allemand d’ajouter « que si les Français cependant ne goûtent pas cette poésie si riche de couleurs variées, c’est à cause de l’effort continuel de raison qui s’est produit chez eux pour séparer de plus en plus les divers genres de la poésie et du style ».

    Du Bartas voulait donner une suite à son poème, une Seconde Sepmaine, dans laquelle les grands évènements racontés par la Bible devaient être passés en revue. Dans cette œuvre le poète est partagé entre la nécessité d’embellir un réel qui en a bien besoin et la recherche de la vérité. Nous pourrions aussi dire qu’il transmet la réalité en déguisant la vérité des choses. Du Bartas se veut aussi de plus en plus comme un poète ou un écrivain au savoir universel, un peu à l’image de Rabelais. Hélas, il ne pourra composer que deux jours complets de cette Seconde Sepmaine,  et des fragments des cinq autres. Il mourra à Paris en 1590, suite sans doute des  suites de ses blessures à Ivry.

    Michel Escatafal

  • La tragédie à Rome

    A la différence de la tragédie grecque qui est restée l’illustration lumineuse et passionnée de la religion hellénique, l’inspiration religieuse est complètement absente des œuvres tragiques romaines. Les poètes ne prennent à Eschyle (525-456 av. J.C.) et Sophocle (496-406 av. J.C.) que leurs fables, non le souffle religieux qui les soutient. Plus volontiers ils suivent les traces d’Euripide (480 à 406 av. J.C.), qui ne respectait pas comme ses deux contemporains les valeurs morales traditionnelles, ni les dieux, et reproduisent sa philosophie toute de sens commun. Le lyrisme sera donc absent de ces pièces où on évoquait les catastrophes de la destinée humaine et la toute-puissance des dieux. Les monodies elles-mêmes ont perdu de leur importance, et sont remplacées par des chants qui soutiennent les accents de la flûte et dont un musicien débite les paroles, tandis que l’histrion exprime par la pantomime les sentiments dont il doit être animé.

    Toutefois il serait faux de prétendre qu’il n’y a jamais eu de vraies tragédies à Rome. Au contraire, nous savons par Cicéron que la tragédie a longtemps excité l’enthousiasme populaire. Il nous reste encore les noms de nombreux auteurs tragiques et nous possédons les titres de près de cent cinquante tragédies. A ce propos, comme pour la comédie, on peut s’étonner encore une fois que les Romains se soient intéressés à des œuvres qui ne mettaient sous leurs yeux que des légendes étrangères, mais ces poètes ont plus ou moins toujours choisi leurs sujets dans le cycle troyen. En outre, comme  Plaute et Térence, ils prirent quelques libertés dans l’imitation de leurs modèles grecs.

    En effet, devant la simplicité extrême des tragédies grecques, les poètes tragiques n’ont jamais hésité à augmenter le nombre de leurs personnages pour donner à l’intrigue davantage de mouvement et de complications. Ils inventaient aussi des incidents ou des développements pris au besoin dans d’autres œuvres écrites sur le même sujet. En outre, pour plaire à un public ayant un goût évident pour le clinquant, ils transformaient en héros les personnages quelque peu falots du théâtre grec. Bref, il fallait à tout prix intéresser le spectateur, et finalement la tragédie romaine y est assez bien parvenue, même si certains ont été loin de lui trouver les vertus attribuées aux Grecs.

    En résumé la tragédie romaine a été l’objet de jugements sans doute trop sévères, moins d’ailleurs pour les défauts qu’on lui attribue que parce qu’on ne peut guère connaître ses qualités, aucune tragédie d’un auteur latin ne nous étant arrivée dans son entier. Nous n’avons que des fragments plus ou moins étendus, plus ou moins nombreux, sur lesquels il serait aventureux de vouloir juger en toute objectivité les hommes et les œuvres. Et parmi ces hommes, les deux principaux représentants du genre s’appelaient Pacuvius et Attius.

    Pacuvius était le neveu d’Ennius par sa soeur, et il voulut devenir son émule. Il naquit à Brindes (vers 220 av. J.C.) et vint très tôt à Rome, où il se fit connaître d’abord comme peintre en décorant le temple d’Hercule vainqueur (le plus ancien qui se soit conservé jusqu’à nos jours). Ses talents, mais aussi l’appui de son oncle, lui ouvrirent la célèbre maison de Scipion. Il y fut tellement bien accueilli que Lelius, consul romain, l’appelait « son hôte et son ami ». La vie de Pacuvius s’est semble-t-il écoulée dans l’étude et la retraite, ce qui lui réussit puisqu’il mourut à un âge canonique pour l’époque (90 ans) à Tarente. Avant de mourir, il écrivit une épitaphe à la fois touchante et modeste à mettre sur sa tombe : «  Jeune voyageur, si pressé que tu sois, cette pierre t’invite à la regarder et à lire ce qu’on y a gravé. Ici sont les os du poète Pacuvius. Je ne voulais pas te le laisser ignorer. Adieu ! »

    Globalement il a peu produit, et son style qu’il travaillait beaucoup était plutôt laborieux, sans aucune délicatesse. Cependant les anciens le proclamaient « le poète docte entre tous ». Parmi les titres de ses œuvres les plus connues on peut citer Antiopa, issue d’Euripide, Armorum judicium,  et la seule qui soit à personnages romains, Paulus, qui mettait en scène le vainqueur de la bataille de Pydna (168 av. J.C.), lequel était le fils de Paul-Emile, le vaincu de Canne face à Hannibal en 216 av. J.C. Cette pièce est une des plus représentatives de ce qu’on a appelé la tragédie nationale (prétexte)  qui, en réalité, exaltait la romanité en célébrant les victoires sur des ennemis de toutes sortes.

    Plus jeune que Pacuvius, Attius naquit à Pissarum (Pesaro) vers 180, d’un riche affranchi. A ses débuts il alla trouver son prédécesseur et lui lut ses vers. Pacuvius apprécia,  même s’il trouva cette poésie un peu âpre, ce qui lui valut cette réplique d’Attius : «  Tant mieux, les fruits verts peuvent mûrir ; ceux qui sont doux dès l’abord, pourrissent d’habitude ». On retrouvait là tout le caractère d’Attius qui, comme son talent, avait pour marque la fierté. On raconte que lorsque Julius Cesar Strabon (130 av. J.C.-87), politicien romain bien connu et auteur lui-même de trois tragédies,  entrait dans le collège des poètes, Attius ne se levait pas à son approche, parce qu’en ce lieu l’affranchi était par ses œuvres l’égal du grand seigneur.

    Dans sa longue carrière Attius donna plus de cinquante tragédies qu’on a perdues, mis à part quelques fragments, et qui étaient presque toutes empruntées aux Grecs. Deux  surtout, le Brutus et le Decius furent accueillies avec transport parce que représentatives elles aussi de la tragédie prétexte, où le poète avait pu mettre la flamme de son âme ardente et pleine de patriotisme.  Le Brutus racontait apparemment la révolution de 509 qui a chassé le dernier roi pour instaurer la république, avec pour héros un certain Brutus, mais honorait en réalité un descendant lointain de ce Brutus, nommé Junius Brutus, consul en 138 et protecteur d’Attius. C’est d’ailleurs cela qui fait dire que chez Pacuvius comme  chez Attius, si l’imitation des Grecs a dominé il y avait aussi le désir de flatter de puissants protecteurs. Décidément le monde ne changera jamais !

    Michel Escatafal