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histoire - Page 21

  • Le théâtre dans la Rome antique

    dossenus.jpgpappus.jpgPar goût, par instinct, les Romains ont toujours aimé ce qui était dramatique. De fait la poésie qui s’est réellement imposée  l’a été à travers le théâtre, et en premier lieu dans les villages où l’on jouait les jours de fête des petites pièces improvisées, avec des gradins construits et démolis après chaque représentation. Et il a fallu attendre très longtemps pour voir construire un théâtre permanent, puisque le premier à Rome date de Pompée (68 avant J.C.) Dans ce monument seront données notamment les pièces de Plaute, Térence et Attius.

    A partir de cette époque, on joua des pièces régulières avec des comédiens professionnels, et non comme les siècles précédents avec des acteurs volontaires. Ces comédiens de profession, tous esclaves parce que le métier d’acteur était noté d’infamie, furent appelés histrions, d’un mot étrusque qui signifie baladins. Les Etrusques ont été en effet des précurseurs dans le théâtre à Rome, car c’est eux qui mirent véritablement à la mode la musique dans les représentations, puis des danses (365 avant J.C.). En outre il faut noter que les troupes professionnelles ne comportaient pas de femmes, les héroïnes des tragédies ou des comédies étant représentées par de très jeunes esclaves.

    Si le théâtre était contrôlé par des magistrats ou des édiles, afin de s’assurer que le poète ne s’était permis aucune allusion aux affaires publiques,  en fait l’organisation des spectacles appartenait aux directeurs de troupes, lesquels le plus souvent avaient été eux-mêmes acteurs.  Il faut noter aussi qu’il n’y avait dans le théâtre que des places gratuites, ce qui explique la forte affluence à chaque représentation, au demeurant assez rares. Bien entendu le public était placé selon des critères bien définis, avec aux premiers rangs des gradins les chevaliers et les personnages de marque, la plèbe s’entassant comme elle pouvait aux derniers étages. On notera au passage que vingt siècles plus tard, rien n’a vraiment changé.

    Les pièces qui étaient joués étaient essentiellement des  imitations de la tragédie et de la comédie grecque, et elles portaient le nom de tragédies ou de comédies à pallium en fonction des vêtements que portaient les acteurs. Certains de ces acteurs eurent ensuite l’idée de faire entrer des sujets et des personnages empruntés à la vie de Rome, tout en conservant le cadre tracé par les Grecs. On eut alors ce que l’on a appelé la comédie à toge (vêtement national des Romains), et la tragédie à prétexte, parce que la robe bordée d’une bande de pourpre (praetexta) était le costume distinctif des magistrats et des patriciens.

    Le succès de ces pièces d’inspiration athénienne, même élargie aux personnages romains, ne fit pas oublier les joies que procuraient aux temps anciens les bouffonneries des villages. C’est ainsi que des atellanes ou des mimes servaient parfois d’intermèdes aux pièces de forme classique. L’atellane est une sorte de parade improvisée par les acteurs à partir d’un canevas arrêté à l’avance. A chaque emploi est attaché un masque, toujours le même, qui fait connaître par avance le caractère de celui qui le porte.

    Parmi les plus célèbres on peut citer Maccus, sorte de rustre niais et glouton, ancêtre du polichinelle napolitain, mais aussi Bucco, vantard et grossier, Panniculus, un vaurien leste et entreprenant, Dorsennus, un bossu pédant et filou, ou encore Pappus, une ganache solennelle et grotesque. Dans ces petits drames, qui se passaient le plus souvent à la campagne, il n’y avait évidemment point de complications dans l’intrigue. En fait ils n’étaient égayés que par les inspirations des acteurs et les saillies du dialogue.

    Le mime ne différait guère de l’atellane, mis à part que le masque n’était pas fixe. D’autre part, au lieu des mœurs campagnardes, on peignait plutôt la vie des artisans des villes. En outre, dans ces œuvres, tous les rôles étaient subordonnés à celui d’un personnage principal, l’archimime, les autres acteurs ne servant qu’à lui donner la réplique.

    Michel Escatafal

  • L'autre Balzac

    guez de balzac.jpgJean-Louis Guez de Balzac est né en 1594 à Angoulême, ville où il est mort en 1654. De 1611 à 1622 il remplit plusieurs fonctions à l’étranger et fut nommé par Richelieu, à son retour à Paris, Conseiller d’Etat et historiographe de France. Il dut cette nomination au fait que ses Lettres l’avaient fait connaître. Ensuite, dès 1634, il fut choisi pour faire partie de l’Académie française, mais ne quitta point pour cela sa terre de Balzac en raison d'un état de santé délicat.

    Il n’en fut pas moins l’oracle de toute la société polie du temps. Le premier, en effet, il trouva la forme définitive de la prose française, et il suffit de comparer son style et celui des auteurs qui l’ont suivi avec celui des derniers écrivains du seizième siècle,  pour voir quelle grande place il tient dans l’histoire de notre langue et de notre littérature.

    Malgré tout il faut avouer que la postérité n’a pas eu tort de mettre au second rang , bien loin après les lettres d’une Madame de Sévigné par exemple, ces Lettres que Guez de Balzac travaillait comme des morceaux d’éloquence, et dont le ton ne paraît pas toujours bien naturel. Cependant elles  sont loin d’être vides de pensées,  et un grand nombre d’entre elles forment une source importante à consulter pour l’histoire du temps.

    Dans ses Lettres par exemple, on découvre sous un autre angle le différend entre Corneille et Georges de Scudéry (1601-1667), qui fut son ami avant d’être son rival, lui-même auteur de plusieurs tragédies et tragi-comédies.  On y décrit également un personnage comme Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637), conseiller au parlement d’Aix, illustre érudit français qui, s’intéressant également à l’histoire, à la philologie, à l’archéologie, à la géographie, à l’histoire naturelle, mit avec un dévouement inépuisable sa fortune et ses efforts au service de la science et des savants.

    Outre ses Lettres, Balzac a laissé trois traités de morale mondaine, religieuse et politique, Aristippe, le Socrate chrétien, le Prince, dans lesquels il trouve souvent la juste expression de pensées élevées, à défaut d’être originales. Dans le Socrate chrétien, j’ai bien aimé l'évocation de l’empereur romain Tibère (successeur d’Auguste en 14), qui donne témoignage des tourments de cet empereur qui ne voulait pas l’être. Cela ne l’empêcha pas de gouverner longtemps avec  clairvoyance et équité quoiqu’aient pu en dire Tacite et Suétone, ces derniers faisant de lui le bouc expiatoire de tous les vices de Rome à l’époque, mais qui finit sa vie frappé dans un enfer de malheurs et de trahison.

    Michel Escatafal

  • La poésie épique à Rome

    ennius.jpgLes Romains ont toujours été de vaillants et admirables soldats avec une discipline de fer qui a fait leur force. Celle-ci  leur a permis de conquérir le monde connu de l’époque,  et de résister à toutes les tentatives d’invasion pendant plusieurs siècles.  Et c’est sans doute pour cela que les héros épiques ont eu tellement de mal à trouver leur place dans l’histoire de la littérature romaine. L’épopée en effet vit surtout de merveilleux,  et ce merveilleux manque un peu partout dans l’histoire de Rome, y compris dans la religion puisque leur dieux n’avaient aucune forme visible.

    C’est donc de la Grèce que Rome reçut le poème épique, comme d’ailleurs les autres genres.  Il est représenté par trois auteurs : Livius, Névius et Ennius. Le premier, Livius Andronicus (vers 278-204), était d’origine grecque (de Tarente) venu à Rome comme esclave. Il fut ensuite affranchi par son patron, ce qui lui permit d’ouvrir une école. Sa principale œuvre est une traduction en latin de l’Odyssée d’Homère, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’excita pas grand-monde à l’époque, sauf Névius (264-194).

    Celui-ci en effet, né à Rome ou en Campanie, avait servi comme soldat pendant la première guerre punique (264-241). Il avait gardé de cette guerre un souvenir enthousiaste qu’il entreprit de conter, même si  ce conflit fut long et ruineux pour les deux parties. Malgré tout ce fut Rome qui en sortit vainqueur,  puisque Carthage a dû lui céder ses possessions siciliennes. En tout cas pour Névius ce fut une épopée qui méritait d’être contée, au point qu’il remonta dans son récit jusqu’aux origines de Rome, telles que les rapportaient les légendes grecques. Les aventures d’Enée figuraient dans des vers qui ont représenté l’essentiel de l’œuvre de Névius, dont Cicéron a parlé avec estime, même si Névius  a mélangé gauchement les fictions de la légende et les évènements de l’histoire.

    En fait ce fut Ennius (239-169) qui donna le premier aux Romains un véritable poème épique, malgré l’imperfection de ses Annales. Ennius était originaire de la Grande Grèce, né à Rudies (région des Pouilles de nos jours), et servit lui aussi dans l’armée romaine comme centurion. Comme Livius il ouvrit une école (sur le Mont-Aventin), celle-ci donnant dans les genres les plus divers, la tragédie, la comédie, et les satires. Sa vaillance de soldat lui valut l’amitié indéfectible de Scipion, au point qu’il partageât la sépulture de sa famille.  En retour il donna le nom de Scipion à un de ses poèmes. On dit aussi que ses talents et ses vertus lui inspirèrent quelque orgueil, qu’il laissa éclater avec noblesse  mais aussi avec une naïveté qui prêtait à sourire. Dans ses Annales il a même raconté qu’Homère lui était apparu en songe et que son âme était passée à Ennius lui-même. Peut-être s’imaginait-il qu’on allait l’appeler le second Homère ?

    Les Annales se composent de dix-huit livres dont il ne reste que quelques fragments. Elles se caractérisent par leur manque d’unité avec au début des récits légendaires, puis des faits historiques comme la guerre contre Tarente et Pyrrhus (281-272), puis des évènements contemporains de son époque. Cependant les Annales ont un trait commun, à savoir la trace d’un patriotisme ardent et sincère.  Sur le plan de l’écriture Ennius introduisit une nouveauté frappante pour son époque, puisqu’il renonça à employer le vieux mètre saturnin (vers d’une structure très libre)  pour l’hexamètre latin sur le modèle de l’hexamètre grec (vers de six pieds ou six syllabes). Cette invention le rendit très fier, et il en avait le droit car c’est de cet instrument, perfectionné par Lucrèce (vers 98-55) et Catulle (87-54), que Virgile (70-19) se servit pour écrire l’Enéide.

    Michel Escatafal

  • Le plus aventureux des membres de la Pléiade

    de Baïf.jpgFils du savant Lazare de Baïf, qui fut ambassadeur de François 1er à Venise, né lui-même dans cette ville en 1532, mort en 1589 à Paris, Jean-Antoine de Baïf qui suivit avec Ronsard les leçons de Daurat, d’abord chez son père puis au collège Coqueret, fut sinon le plus remarquable du moins le plus aventureux des membres de la Pléiade.

    Non content de s’inspirer de l’antiquité, il essaya d’introduire dans la poésie française la versification mesurée des Latins et des Grecs : il se proposait ainsi de restaurer l’union parfaite de la musique et de la poésie, et c’est dans le même dessein qu’il fonda chez lui, au faubourg Saint-Victor, une académie de musique et de poésie autorisée en 1570 par lettres patentes de Charles IX.

    Ses œuvres renferment cinq recueils principaux : les Poèmes, les Amours, les Jeux (comprenant la traduction d’une comédie de Térence, d’une comédie de Plaute et de l’Antigone de Sophocle), les Passe-Temps, enfin les Mimes, sorte de poèmes moraux en sizains. Il faut y ajouter, les Etrènes de poézie fransoèze (1573), écrites suivant les règles de l’orthographe  que Baïf voulait faire adopter, avec une transcription phonétique de la langue parlée.

    On n’oublie pas non plus des œuvres restées inédites :  traductions des Psaumes en vers rimés et en vers  mesurés que l’on a appelés plus tard « vers baïfins » , Chansonnettes en vers mesurés également  même si parfois  le poète a tenu compte du nombre de syllabes ce qui en fait en quelque sorte des vers blancs, et des traductions qu’on n’a pas retrouvées de la Médée d’Euripide, des Trachiniennes de Sophocle, du Plutus d’Aristophane et de L’Héautontimorumenos (le Bourreau de soi-même) de Térence.

    Michel Escatafal

  • Le Grand d'Espagne...

    cervantes.jpgCervantes est né à Alcala de Henares, près de Madrid, d’une famille noble mais pauvre. Après avoir étudié à Alcala puis à Madrid, il partit à Rome avec le cardinal Acquaviva (1569), s’enrôlant comme soldat dans la Sainte Ligue formée contre les Turcs. Il fut victime de trois blessures au cours de la fameuse bataille de Lépante en 1571, ce qui le laissa infirme de sa main gauche et qui lui valut le surnom de Manchot de Lepante ou le Glorieux Manchot.

    En rentrant d’Espagne avec son frère Rodrigue dans la galère El Sol,  il fut pris par des pirates berbères et emmené à Argel (Algérie), où on le retint captif pendant cinq ans (1575-1580) malgré de nombreuses tentatives d’évasion qui ne firent que rendre plus pénibles ses conditions de détention. Recueilli par les « Padres  Redentoristas » (ordre religieux), il revint en Espagne pour mener une vie laborieuse, occupant divers emplois mineurs. Il se maria en 1584 avec Catalina de Salazar  et se consacra de plus en plus à l’écriture.

    Il publia en 1585 sa première œuvre, un roman pastoral La Galatea écrit dans les années 1581 à 1583. La Galatea  est censée représenter plusieurs comédies, mais seule la première fut écrite et publiée. Elle n’en reste pas moins une œuvre remarquable. En 1587 il obtint à Séville un emploi dans le ravitaillement de l’Invincible Armada, ce qui l’amena à réfléchir amèrement sur la  condition militaire. Ne pouvant obtenir dans les Indes la place ou la charge qu’il sollicitait, sans parler de l’impossibilité de récupérer  les soldes qu’on lui devait, il se trouva dans une situation très difficile vers 1590.

    Cet épisode pénible de la vie de Cervantes  permet d’évoquer l’étonnant  paradoxe de cette Espagne triomphante des siècles 15 et 16.  Voilà un pays qui possédait  à ce moment  les terres extrêmement fertiles de la Lombardie et la Sicile, qui contrôlait l’industrie ô combien importante de la Flandre, sans parler de l’or et de l’argent qu’il recevait d’Amérique. Et bien, malgré toutes ces richesses, les pauvres soldats espagnols étaient dans l’obligation de se payer en nature sur l’ennemi, faute de toucher leur solde.  Les soldats n’étaient pas les seuls à souffrir à cette époque, car les populations de la péninsule ibérique n’étaient pas épargnées non plus avec la misère et la maladie (peste) qui s’étendaient partout.

    Il faut se rappeler que la situation était tellement dramatique pendant le règne de Charles Quint,  que ce dernier fut obligé de mendier aux Cortes une contribution de guerre que la noblesse miséreuse ne put lui donner. On se posa donc la question de savoir comment renflouer le trésor public, d’autant qu’en 1492 on avait déjà fait payer les Juifs en confisquant leurs biens, ce qui ne laissa qu'un court répit aux finances de la nation. Au siècle suivant ce fut au tour des Morisques, qui avaient su garder une relative prospérité  sur des terres fertiles et irriguées, d’être déportés sur les plateaux arides de l’intérieur pour que les paysans de Castille puissent s’installer à leur place, ce qui ne changea pas grand-chose au problème. En 1609 ils furent de nouveau délogés de la riche plaine de Valence pour les condamner à l’exil, mais la misère de l’Espagne ne diminuait pas pour autant.

    Fermons cette longue parenthèse pour  parler de nouveau de Miguel de Cervantes qui,  après avoir vécu successivement à Séville, Madrid, et Valladolid, allait se consacrer   de plus en plus à la littérature. Il publia en 1605 la première partie de son œuvre majeure, Don Quijote (Don Quichotte), personnage haut en couleurs qu’il avait imaginé du fond de sa prison où l’avait conduite la faillite de la banque où il déposait les fonds quand il fut brièvement  percepteur des finances. Ensuite en  1613 ce furent les  Novelas ejemplares (romans exemplaires), écrits en majeure partie sur plusieurs années, en 1614 el Viaje de Parnaso (Voyage de Parnasse), et l’année suivante Ocho comedias y ocho entremeses (huit comédies et huit intermèdes).

    Toujours en 1615, fut publiée la deuxième partie de Don Quichotte, dans laquelle on retrouve l’histoire des Morisques avant l’expulsion de 1609, ces derniers étant  persécutés  pour être jugés infidèles à leur nouvelle religion (catholique). Décidément l’homme ne change pas ! Cervantes  mourut pauvre et en disgrâce en 1616 peu de jours après avoir écrit le prologue de son ultime œuvre Los Trabajos de Persiles y Segismunda (Travaux de Persille et Sigismonde). Compte tenu de la qualité de son œuvre et de son rayonnement en Espagne et dans le monde, j’en parlerai plus abondamment dans un prochain article, et notamment du célébrissime Don Quichotte que j’ai eu la chance de lire en français d’abord et en espagnol ensuite. Une pure merveille !

    Michel Escatafal