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Littérature et histoire - Page 6

  • Millevoye, excellent poète de transition

    millievoye,poésie,littérature,histoireNé à Abbeville le 24 décembre 1782, mort à Paris le 26 août 1816, Millevoye a publié des traductions en vers, des ballades, des romances, des poésies légères, de petits poèmes héroïques parmi lesquels on distingue Charlemagne à Pavie, en six chants, et Alfred, en quatre chants.  Il a laissé trois tragédies posthumes, Antigone, Saül, Ugolin. Mais s’il est connu, c’est surtout par ses trois livres d’Elégies, où il semble qu’avec plus d’apprêt, moins de simplicité et moins de grandeur en même temps, on trouve déjà quelque chose de ce qui fera un peu plus tard le charme de certaines des plus touchantes Méditations de Lamartine.  D’autres pièces de Millevoye, imitées du grec, rappellent, sans les égaler, les poésies d’André Chénier. Millevoye mérité donc une place assez importante parmi les poètes secondaires de cette période de transition qui précéda l’apparition des premières poésies de Lamartine et de Victor Hugo.

    Parmi les morceaux les plus caractéristiques de l’œuvre de Millevoye, je citerais La  chute des feuilles qui appartient aux Elégies (livre 1), pièce célèbre dont l’effet touchant est à peine amoindri par quelques expressions d’une élégance démodée de nos jours. On y évoque ainsi un médecin, en parlant de l’oracle d’Epidaure, allusion à Esculape, dieu de la médecine, qui avait un oracle à Epidaure (Argolide dans le Péloponnèse). On découvre aussi que Millevoye parle de « la pâle automne », le mot automne pouvant effectivement être employé à la fois comme substantif masculin et féminin. Toujours dans les Elégies, mais dans le livre suivant, l’auteur évoque Danaé, la fille D’Acrisios, roi d’Argos, qui fut exposée aux flots de la mer avec le fils qu’elle avait eu de Jupiter, Persée, par l’ordre de son propre père, qui craignait, sur la foi d’un oracle, d’être un jour tué par son petit-fils. Les vers qui figurent dans ce morceau sont imités d’un beau fragment du poète grec Simonide (556-467 av. J.C.). Bref, Millevoye est un auteur qui aura su nous faire patienter entre ces deux grands poètes que furent Delille et plus encore Lamartine.

    Michel Escatafal.

  • Béranger, auteur de chansons à succès

    littérature,histoire,jean-pierre béranger,chansonsNé le 19 août 1780 à Paris, où il mourut le 16 juillet 1857, Jean-Pierre ou Pierre-Jean de Béranger,  après s’être essayé sans succès dans divers genres, commença vers 1820 à écrire des chansons, et peu à peu parvint à la célébrité et à la gloire. Il était déjà populaire quand il publia son premier recueil en 1815. La Restauration trouva en lui un adversaire : un grand nombre des chansons des recueils de 1821, 1825 et 1828, sont consacrées à la glorification des idées libérales et des souvenirs de l’Empire, ceux-ci apparaissant plus particulièrement dans une chanson intitulée Les Souvenirs du peuple.  

    Dans une autre qui a pour titre Le Vieux Sergent, il évoque les batailles de Jemmapes (victoire de Dumouriez le 6 novembre 1792), et de Fleurus (victoire de Jourdan le 26 juin 1794), fustige les généraux de Napoléon qui s’étaient ralliés à la Restauration, et qui se trouvaient alors (en 1823) engagés dans la guerre d’Espagne, entreprise pour rétablir dans ce pays le trône de Ferdinand VII. Le dernier recueil publié du vivant de l’auteur (1833) est inspiré des mêmes sentiments.

    En fait, Béranger aimait la politique, et cela se retrouve dans quelques textes de chansons comme le roi d’Yvetot, où la satire a quelque chose d’aimable et de bonhomme, ou le Ventru, sorte de compte rendu en couplets d’un député ministériel à ses électeurs, dont les traits sont bien plus âpres, plus grossiers, si l’on veut, mais singulièrement précis et capables de faire impression sur l’esprit des lecteurs ou plutôt des chanteurs improvisés et innombrables, pour lesquels surtout Béranger écrivait.

    Cela dit, il nous est bien difficile aujourd’hui, non pas de partager, mais même de comprendre l’enthousiasme qui accueillit la publication des plus célèbres chansons de Béranger, lorsque le parti bonapartiste et le parti libéral se plaisaient à saluer  en lui une sorte de poète national. Nous sommes peut-être moins sensibles que ne l’étaient nos aïeux à la justesse de tant d’idées pour la défense desquelles il fallait encore combattre alors. Béranger sut les exprimer tour à tour, et toujours avec la même aisance, d’une manière piquante, familière ou noble. En revanche nous sommes choqués, peut-être plus qu’il ne le faudrait de quelques métaphores, de quelques périphrases, de quelques inversions vieillies.

    Mais nous savons encore apprécier cette heureuse variété dans le ton et dans les sujets qui distingue tout d’abord Béranger des plus fameux chansonniers qui l’ont précédé. Cette variété se retrouve notamment  dans les Bohémiens,  où l’auteur chante, sous une forme originale, l’amour de l’indépendance, avec un rythme très agréable. Bref, en dépit de son vocabulaire et de ses tours, souvent prosaïques, l’habileté dont a fait preuve Béranger dans le maniement des rythmes et dans l’art de ramener un refrain presque toujours intéressant et expressif, font de cet auteur de chansons un des seuls que la postérité a classé parmi les poètes important du dix-neuvième siècle.

    Michel Escatafal

     

  • Lemercier, l’auteur d’Agamemnon

    littérature,histoire,lemercierNé le 21 avril 1771 à Paris où il mourut le 7 juin 1840, Louis-Jean-Népomucène Lemercier avait dix-sept ans quand il fit représenter sa première pièce, une tragédie en cinq actes, Méléagre. En fait il n’y eut qu’une représentation de cette pièce, due à la bienveillance de la reine Marie-Antoinette qui invita toute la Cour au spectacle. Cette protection de Marie-Antoinette avait pour origine le fait que  Lemercier eut pour marraine la Princesse de Lamballe, elle-même amie de longue date de la reine. En revanche le succès de la belle tragédie d’Agamemnon(1797), son chef-d’œuvre, ne devait rien à personne, mais simplement à la qualité de la pièce. En 1801, Lemercier donna dans un genre nouveau, avec Pinto, ou la Journée d’une conspiration, sorte de comédie historique qui semble encore assez intéressante aujourd’hui, même si on ressent un manque d’ingéniosité et de vivacité dans l’agencement de l’intrigue et l’invention du dialogue.

    Ses deux comédies en vers, Plaute (1808) et Christophe Colomb (1809), et son étrange poème, la Panhypocrisiade, ou le  Spectacle infernal du seizième siècle, comédie épique en seize chants (1819), attestent encore, sinon de la souplesse et la finesse du talent de Lemercier, du moins de son louable désir de sortir des sentiers battus et d’ouvrir des voies nouvelles à la poésie et à l’art dramatique. Cela étant, la langue de Lemercier dans la Panhypocrisiade, comme d’ailleurs dans la quasi-totalité de son œuvre, est à la fois gauche, pauvre et prosaïque, ce qui affaiblit singulièrement l’intérêt de la comédie et les pensées qu’il y développe. Deux vers du deuxième chant de La Panhypocrisiade, ou le Spectacle infernal du seizième siècle (La fourmi et la mort) résument à eux seuls ces restrictions : « Quel pouvoir a, du sol agitant la surface,/Subverti nos états et la terrestre masse » ? Rien n’est beau dans ces vers, y compris l’emploi du mot subverti !

    Ce poème est le long récit d’une comédie dont le sujet est l’histoire de Charles-Quint et de son siècle. Lemercier assimile le mot Panhypocrisiade à un poème sur l’hypocrisie sous toutes ses formes, et il laisse pressentir que c’est celle de ses contemporains, non moins que celle des siècles passés, qu’il veut décrier et bafouer. Au reste il a publié quelques années plus tard (en 1832) une suite en quatre chants  de cet ouvrage un peu particulier, aux attributs romantiques, que Victor Hugo avait qualifié de « sorte de chimère littéraire ».

    Lemercier n’en compta pas moins parmi les adversaires les plus résolus des poètes romantiques, dont les hardiesses l’effrayèrent peut-être, sans qu’il ait été sensible au charme et à l’éclat de leur versification. Tout le monde s’est plu à honorer chez Lemercier, à l’égal du talent, la haute probité du caractère et l’indépendance qu’il sut garder à l’égard du gouvernement révolutionnaire et du gouvernement impérial, quoiqu’il aimât la liberté et qu’il admirât le génie de Napoléon.

    Michel Escatafal

     

  • Antoine-Vincent Arnault, était aussi un poète remarquable

    littérature,histoire,antoine-vincent arnault,marius à minturnesAntoine-Vincent Arnault est né à Paris le 1er janvier 1766 et mort le 16 septembre 1834 à Goderville (Seine-Maritime).  Après être devenu secrétaire du cabinet de Madame (soeur de Louis XVI) en 1786, il entama une carrière dramatique et obtint en 1791, avec sa tragédie de Marius à Minturnes (1791), un succès qu’il ne retrouva jamais, y compris avec Lucrèce (1792), autre tragédie républicaine, ce qui a fait dire à ses détracteurs qu’il fut l’homme d’une seule pièce. Après avoir été forcé d’émigrer pendant la Terreur, la Restauration le punit à son tour de sa fidélité à l’Empire et à Napoléon, qu’il devait accompagner en Egypte avant d’interrompre son voyage à Malte pour raison de santé, en l’exilant et en le faisant exclure en 1815 de l’Institut (qu’il avait intégré en 1799), après avoir été élu pendant les Cent- Jours membre de la Chambre des représentants.

    Il fut rappelé quatre ans plus tard et se vit restituer en 1829 sa place d’académicien, devenant même en 1833 secrétaire perpétuel de l’Académie. Ses Fables (1812-1825), satiriques pour la plupart, et qui n’ont rien de commun avec celles de la Fontaine, n’en sont pas moins fort remarquables : la verve un peu âpre ou parfois la mélancolie qui les anime en font une des productions les plus originales de toute cette période. Quelques unes d’entre elles sont de véritables chefs d’œuvre, contrairement  à la Vie de Napoléon qu’il écrivit en 1822. Parmi ces chefs d’œuvre, je voudrais citer le Chêne et les Buissons, où le chêne paraît être une image de Napoléon, ou encore la Feuille, fable  où l’on retrouve encore une fois l’image de l’Empereur et la fascination qu’il exerçait sur Arnault, notamment dans ces vers : « L’orage a frappé le chêne/Qui était mon seul soutien ».

    Michel Escatafal

  • M.J. de Chénier, moins génial que son frère mais cependant très talentueux

    Frère d’André, né comme lui à Constantinople le 11 février 1764, mort à Paris le 10 janvier 1811, Marie-Joseph de Chénier s’engagea à dix-sept ans (cadet gentilhomme dans les dragons de Montmorency), puis quitta le service, et, à vingt et un ans, fit représenter sa première œuvre dramatique.  C’est avec la tragédie de Charles IX (1789) qu’il obtint son premier succès, dû pour une grande part sans doute aux allusions que le public put saisir facilement dans cette pièce politique, parfois déclamatoire, mais dont certaines parties sont vraiment énergiques et que l’auteur eut le mérite de ne pas surcharger d’une intrigue parasite. Dès lors toutes les œuvres qu’il donna au théâtre, jusqu’à la fin de la Révolution, sont plus ou moins animées du même esprit révolutionnaire, Henri VIII (1791, Calas (1791), Caïus Gracchus (1792), Fénelon (1793), Timoléon (1794).

    Du reste, Marie-Joseph, qui fut membre de la Convention, était loin de partager les idées modérées de son frère, dont il fut séparé par de graves dissentiments, et il consacra souvent son authentique talent à composer des poésies lyriques pour les solennités républicaines, tel par exemple le fameux Chant du Départ, mis en musique par Méhul (1763-1817), considéré après la Marseillaise comme le plus beau de nos chants nationaux. Plus tard M.J. Chénier composa encore la tragédie de Cyrus (1804), et plusieurs autres qui ne furent pas représentées, Philippe II, Brutus et Cassius,  Œdipe roi, Œdipe à Colone, Tibère, mais aussi deux comédies et le drame de Nathan le Sage, traduit de Lessing (1729-1781).

    La gloire prépondérante d’André Chénier a fait tort à celle de son frère. Plusieurs des tragédies de ce dernier sont cependant d’excellentes œuvres du second ordre, et il s’en faut de peu que son Tibère, qui joint au mérite d’une versification assez ferme et d’une composition très rigoureuse et très sobre, celui d’une habile et profonde peinture de caractères difficiles à saisir et à représenter, ne soit du premier. Parmi ses poésies diverses, plusieurs sont d’une grande finesse, d’autres sont également remarquables par la noblesse du style et l’élévation du sentiment. Marie-Joseph de Chénier, fermement attaché aux principes de l’ancienne poétique, n’a pas le mérite d’avoir prévu la réforme dont son frère, par quelques caractères qu’il se distingue d’ailleurs des poètes romantiques, fut le plus glorieux précurseur.

    Néanmoins il y aurait de l’injustice à méconnaître son grand talent, et l’on ne voit pas bien qui l’on pourrait lui préférer, son frère excepté, parmi les poètes de sa génération. S’il en fallait une preuve supplémentaire, il suffit de lire ou relire son  Discours sur la calomnie (1797), qui est une réponse aux calomniateurs qui lui reprochaient de n’avoir rien tenté pour arracher son frère à la mort, accusation injuste qui allait lui déchirer le cœur jusqu’à la fin de ses jours. A ce propos, on découvre à travers ce discours fait de vers aussi touchants qu’harmonieux, qu’il avait réussi à sauver un autre frère dont le prénom était Sauveur, qui avait été arrêté à Beauvais puis transféré à la Conciergerie,  à Paris, et qui avait été en partie confondu avec André.

    Michel Escatafal