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  • La littérature espagnole pendant le règne de Charles Quint (entre 1516 et 1555)

    bernal diaz.jpgCe temps est le plus glorieux de l’histoire de l’Espagne, celui où elle est au sommet de sa puissance et aspire à la domination universelle. Nous sommes en plein dans l’élan de la renaissance, et tout annonce le Siècle d’Or de la littérature espagnole qui va s’étendre sur plus de 150 ans, entre 1516 et 1680, et concerner à la fois la poésie, la prose et le théâtre.

    Parmi les poètes, le catalan Juan Boscan (1490-1552) est le premier à user systématiquement des formes italiennes (sonnets, chants, etc.). Son principal mérite est d’avoir publié à la fois les œuvres de ses amis et les siennes. Garcilaso de la Vega (1503-1536), éminent et infortuné poète, mort à 33 ans,  a trouvé le temps d’écrire trois églogues, cinq chants, deux élégies, une épître et trente sept sonnets. Les eglogas (églogues) et les sonetos (sonnets), écrits avec  délicatesse et une élégance sobre et raffinée, sont les œuvres majeures de Garcilaso.  Elles se caractérisent par l’harmonie qui est la marque de fabrique de l’auteur, mais aussi par beaucoup de fraîcheur, de charme et de mélancolie.

    La prose se retrouve dans le genre didactique et moral, mais aussi dans le roman et l’histoire. Le maître de la prose didactique et morale est Antonio de Guevara, évêque de Mondonedo (vers 1481-1545), styliste éminent, un des créateurs de la prose moderne en Espagne, auteur du Relox de principes et du très connu Menosprecio de Corte y alabanza de aldea que l’on pourrait traduire par Mépris de la Cour et éloge du village. Dans ses Cartas familiares il se révéla comme le fondateur du journalisme dans le pays. Il fut aussi le précurseur du conceptisme, style littéraire espagnol caractérisé par un maniérisme excessif,  illustré par Aviso de privados y doctrina de cortesanos, que l’on date de 1539. A l’inverse, Juan de Valdés (mort en 1545), secrétaire de l’Empereur, auteur du Dialogo de Mercurio y Caron et du Dialogo de la lengua, est le premier et le plus connu des hétérodoxes espagnols. Son style était à la fois d’une remarquable simplicité et d’une grande clarté.

    Durant le règne de Charles-Quint, le roman le plus en vogue fut celui de la chevalerie. On écrivit nombre de suites et d’imitations du premier et du plus important roman de ce type, l’Amadis, qui eut pas moins de trente éditions entre 1510 et 1587. A noter que cette œuvre avait comme source le roman français de la Table ronde, transmis dans la Péninsule ibérique par les Provençaux.

    La grandeur espagnole et la conquête de ce qu’on appelait les Indes suscitent de nombreuses vocations historiques, surtout la conquête qui est un sujet ou se mêlent la polémique et la passion. Parmi ceux qui ont marqué cette époque, il y a Bartolomé de las Casas (1475-1566), Francisco Lopez de Gomara (1510-1560) et surtout le compagnon de Cortés, Bernal Diaz del Castillo, dont la très intéressante histoire de la conquête de la nouvelle Espagne  (Historia Verdadera de la Conquista de Nueva Espana) est un récit des propres aventures d’un des soldats ayant participé à la conquête de Mexico (1521).  Enfin il faut aussi mentionner Diego Hurtado de Mendoza (1503-1575), auteur de la Guerra de Granada.

    Tout annonce à cette époque là  le prochain développement du théâtre national, dont le caractère réaliste et poétique s’affirme déjà dans les œuvres des successeurs de Juan del Encina. Bartolomé Torres Naharro (mort en 1531) joue parfaitement le rôle du Gracioso (bouffon) dans les six comédies qu’il réunit dans sa Propaladia publiée sans doute en 1563, où il expose aussi ses théories dramatiques. Gil Vicente (1469-1539) rencontre un grand succès avec ses Autos y Representaciones (sentences et représentations) populaires et poétiques.

    Michel Escatafal

  • Etienne Pasquier (1529-1615)

    Grand admirateur de Ronsard qu’il considérait comme l’égal des plus grands avec ses « sonnets qui prennent leur vol jusques au ciel », Etienne Pasquier est né à Paris en 1529. Avocat au Parlement de Paris, il se fit connaître par une sorte de dialogue en prose sur l’amour, à la fois subtil et pédantesque, le Monophile, et grâce à plusieurs recueils de vers français et latins. Ensuite il commença à publier en 1560 ses Recherches de la France, auxquelles il ne cessa jamais  de travailler. A ce propos aucune des éditions des Recherches de la France publiées du vivant de Pasquier n’est complète, mais aucune des éditions publiées après sa mort n’est entièrement satisfaisante, au point de vue soit de la division des matières, soit de la constitution du texte.

    Néanmoins cet  ouvrage devenu célèbre est remarquable par la sûreté et l’abondance des renseignements qu’il contient sur l’histoire politique, administrative et littéraire de notre pays. A cela s’ajoutent  les sentiments qui l’animent et l’amour des lettres dans les chapitres qui traitent de notre langue et de notre poésie, sans oublier l’amour de la patrie qui ressort dans tout le cours du livre. C’est par là que les Recherches méritent d’être mises à part entre tous les ouvrages que l’érudition produisit à cette époque, et qu’Etienne Pasquier a pu revendiquer sa place parmi les écrivains.

    Comme avocat, Pasquier défendit l’Université de Paris contre les Jésuites. Il publia son plaidoyer contre l’ordre en 1594, puis un long pamphlet, le Catéchisme des Jésuites en 1602, plus quelques opuscules politiques. Enfin il faut citer aussi son Interprétation des Institutes de Justinien , œuvre dictée à son petit-fils et à son gendre alors qu’il était âgé de quatre-vingts ans, mais aussi des Lettres, dont la plus grande partie fut publiée avant sa mort en 1615.

    Michel Escatafal

  • Michel de l'Hospital, un second Caton le Censeur

    l'hospital.jpgFils de médecin, Michel de l’Hospital est né en 1506 à Aigueperse, commune située au cœur de la Limagne dans le Puy de Dôme. Après des études de droit en Italie, il fut successivement nommé, grâce à ses multiples talents et aux protections qu’ils lui valurent, conseiller au Parlement de Paris, surintendant des finances en 1554 et chancelier de France en 1560.

    Cependant les protections des grands de son époque avaient des limites,  comme en témoigne l’obligation qu’il eut d’abandonner  la dignité de chancelier de France en 1568, en raison de l’attitude qu’il avait prise en essayant de faire triompher une politique tolérante et sage. Cette attitude, en effet, avait fortement déplu à Catherine de Médicis, épouse du roi Henri II, qui l’avait pourtant appelé pour mener une politique  de réconciliation entre catholiques et protestants.

    Les œuvres que Michel de l’Hospital laissa à la postérité sont certes peu nombreuses, mais témoignent d’un grand talent littéraire. Ses Harangues sont toutes inspirées des nobles sentiments qui dirigèrent sa vie. Il était perçu comme un second Caton le Censeur, c’est-à-dire comme un homme qui savait censurer et corriger le monde corrompu, comme le décrira plus tard Brantôme (vers 1540-1614). Les Harangues étaient écrites d’un style ferme et net,  et moins surchargées de citations que celui de la plupart de nos anciens orateurs.

    Le même éloge a été fait de ses plus importants Mémoires politiques et de son Traité de la réformation de la justice, en sept parties. Michel de l’Hospital a encore écrit six livres d’épîtres en vers latins, toujours élégants, et le plus souvent pleins de charme et d’énergie. Il mourut en 1573 au château de Vignay qui était rattaché à la paroisse de Champmotteux.

    Michel Escatafal

  • La renaissance dans la littérature espagnole

    juan del Encina.jpgLa renaissance dans la littérature espagnole se situe à proprement parler au XVè siècle, période s'étalant pendant les règnes de Juan II (1406-1454), d'Enrique IV (1454-1474), des rois catholiques Fernando et Isabel (1474-1504), de Felipe el Hermoso (1504-1506) et la régence de Don Fernando (1507-1516). Caractérisée par une grande instabilité politique, au moins pendant sa première partie (1400-1474), cette période a vu au sens propre du terme la renaissance des arts et des lettres. Dès le règne de Juan II (Jean II) l’influence italienne est particulièrement marquée  et elle ira en s’affirmant tout au long du siècle.

    Parmi les genres littéraires de l’époque, il faut noter en premier lieu la poésie lyrique. Son premier représentant en sera  Inigo Lopez de Mendoza, marquis de Santillana (1398-1458) qui était à la fois un vaillant soldat, mais aussi un homme politique de talent, en même temps qu’un humaniste à la culture immense et un habile versificateur.  Il écrivit ses poèmes en décasyllabes à l’italienne  et les premiers sonnets écrits en castillan : los sonetos al italico modo.  Ses Canciones y decires (chansons et paroles) sont fameuses et surtout les célèbres Serranillas (composition narratives en vers), modèle d’élégance, de fraicheur, et de douce ironie, avec une distinction particulière pour la Vaquera de la Finojosa qui a rendu célèbre Hinorosa del  Duque, commune de la province de Cordoue.

    Chez Juan de la Mena (1411-1456), un des principaux chefs de file de cette école et un des premiers artistes de la littérature espagnole, l’influence italienne est tout à fait évidente. On sent un désir ardent de se rapprocher de Dante dans des œuvres de forme très soignées (Las Trescientas o Laberinto de Fortuna), parfois  grandioses, mais pouvant aussi être obscures. Pendant le règne d’Enrique IV (Henri  IV) on distingue parmi les poètes lyriques Jorge Manrique (1440-1478), célèbre par ses Coplas a la muerte de su padre (chansons à la mort de son père), un des monuments les plus exquis de la poésie espagnole, admirable méditation élégiaque sur la fragilité des choses humaines, écrite en forme parfaite.

    Depuis le siècle précédent se développe la forme poétique la plus typiquement espagnole, los romances, brefs poèmes épiques et presque toujours narratifs. Quasiment tous anonymes, transmis oralement par les jongleurs et les gens du village, ils racontent  de manière typique des épisodes de légende ou d’histoire dans la forme ô combien châtiée des vers octosyllabes. Depuis le XIVè siècle ils se compilent en Romanceros.  Ils sont classés par catégories (historiques, romanesques, lyriques) et par cycle (Romancero del Rey Don Rodrigo, de Bernardo del Carpio, de Fernan Gonzales, de les Infantes de Lara, del Cid, del Rey Don Pedro etc.), et ne passeront jamais de mode.

    En prose l’œuvre qui a eu le plus de relief au début du XVè siècle est  El Corbacho  d’Alfonso Martinez de Toledo, archiprêtre de Talavera (1398-1468). El Corbacho  est un traité didactico-moral contre la luxure et le péché de la chair. Plus tard, à la fin du siècle, sera publié le premier  des romans de chevalerie, le fameux Amadis de Gaula (1492) de Garci Rodriguez de Montalvan, un modèle du genre, qui allait jouir d’une grande renommé  durant tout le XVIè siècle et avoir une profonde influence sur les mœurs. Avec lui se créa « le couple idéal » Amadis et Oriana. Il s’agit d’un manuel du chevalier sans tâche , du vassal fidèle et de l’amant parfait, le prototype du roman d’aventures et du roman chevaleresque et pastoral.

    A la fin du siècle, on doit aussi mettre en lumière une des meilleures œuvres de la prose espagnole, toutes époques confondues, à savoir La Celestina o Comedia de Calixto y Melibea (1499). Cette œuvre de Fernando de Rojas (1475-1541) est une merveille d’analyse psychologique et passionnelle. La Celestina (la Célestine en français) est une tragi-comédie régie par le sexe et l’argent, écrite à une époque où l’Espagne était en pleine Inquisition (expulsion des Juifs d’Espagne à partir de 1492 et des Maures de Grenade en 1501). A noter que l’auteur  était un juif converti au catholicisme.

    Enfin ce siècle verra la vraie naissance du théâtre, comme pour le roman,  à l’époque des Rois Catholiques. Son meilleur représentant en sera  Juan del Encina (1468-1529), appelé « le patriarche du théâtre espagnol », avec ses œuvres pleines de poésie connues sous le nom de Representaciones, Autos, Farsas, Eglogas,  tirées de sujets de la vie de tous les jours, qui nous amèneront tout naturellement au théâtre classique.

    Michel Escatafal

  • La littérature espagnole aux XIIIè et XIVè siècles

    cantigas de S.M..jpgAprès avoir parcouru le XIIè siècle, nous allons poursuivre sur la littérature espagnole aux XIIIè et XIVè siècles, ce qui nous amènera jusqu’à la Renaissance.  Nous nous étions arrêtés sur le mester de juglaria, et nous allons continuer sur une « nouvelle  maestria », comme disent les Espagnols, le mester de clerecia (métier de clergie) dérivée de la précédente et qui va être la forme primitive d’une poésie plus savante.  Les clercs qui l’ont écrite se flattaient d’être érudits, et s’enorgueillissaient de leurs sources  écrites  d’où étaient tirés leurs poèmes épiques. Ils écrivaient avec un type de  strophes lourdes, qui sont des quatrains de 14 syllabes  avec des rimes doublées et consonantes (la cuaderna via).

    Le plus ancien et sans doute le meilleur de ces poètes, Gonzalo de Berceo,  mort vers 1268, est encore très populaire. Pittoresque, plein de sensibilité, et doué d’une bonté « sournoise », ses proses hagiographiques et enchanteresses nous racontent les miracles de la Vierge (Milagros de la Virgen) ou la vie des saints (Vida de Santo Domingo de Silos, de San Millan, de Santa Oria) avec une abondance de détails ingénus, mais pour certains hautement humoristiques. Parmi les autres poèmes du mester de clerecia le plus notable est El Libro de Alexandre, écrit vers 1250 avec 10.000 vers, à la fois didactique et moralisateur. L’auteur  y apparaît à la fois fier de son œuvre et admiratif de sa propre habileté.

    Au XIIIè siècle apparaissent également les premières pièces dramatiques, mais de caractère purement liturgique. El Auto de los Reyes Magos (Rois Mages) est le premier des quelques exemples qui nous restent de ce théâtre primitif. La poésie lyrique fait aussi son apparition à cette époque, mais rares sont les œuvres écrites en castillan. Les plus fameux de ces poèmes lyriques sont les admirables Cantigas de Santa Maria, œuvre personnelle du roi  Alfonso X el Sabio (1252-1284), en français Alphonse X le savant.

    Ce roi sera aussi le protecteur de la fameuse école des traducteurs de Tolède, qui réunissait tous les savants des trois religions monothéistes,  grâce à laquelle on mit la science orientale à portée du monde latin. Il est permis de considérer  El Rey Sabio (le Roi Savant) comme le fondateur de la connaissance espagnole dans de nombreux domaines (astronomie, histoire, philosophie, droit), et le premier des grands prosateurs.  La prose littéraire va poursuivre son développement au XIVè siècle,  avec pour  modèle de référence l’œuvre essentielle du neveu du Roi Savant, l’Infant Don Juan Manuel (1282-1349), à savoir El Conde Lucanor o libro de los Enxemplos (livre des exemples). Il s’agit d’une collection de 51 apologues, pleins d’espièglerie,  qui vont inspirer plusieurs grands auteurs tels que Cervantès, Shakespeare et La Fontaine.

    Enfin, à l’imitation de la prose, la poésie est avant tout de portée didactique et moralisatrice. Le meilleur des poètes de l’époque est Juan Ruiz, Arcipreste de Hita (archiprêtre de Hita) mort vers 1351, dont l’œuvre majeure, El libro de buen amor, est l’écrit le plus brillant du XIVè siècle. Ce livre d’une grande force satirique,  débordant d’humour pétillant, relate les nombreuses expériences amoureuses de l’auteur qui prétend ainsi mettre en garde ses lecteurs contre « l’amour fou ». Le style est savoureux, plein de fraîcheur populaire, ce qui donne à ces fables un niveau qui ne sera égalé que par La Fontaine.

    Bien distinct de Juan Ruiz est  Pero Lopez de Ayala (1332-1407), un des personnages politiques les plus importants  de la deuxième moitié du XIVè siècle, serviteur notamment de Pedro 1 el Cruel o el Justiciero (Pierre 1er le Cruel ou le Justicier). Son œuvre principale, el Rimado de Palacio (Livre de Poèmes du Palais), est une satire amère et sévère (8200 vers) en même temps qu’un traité de philosophie morale.

    Michel Escatafal