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  • Quelques éléments de la littérature en Espagne au XIIè siècle

    Cid.jpgAu même titre que la littérature française ou italienne, la littérature espagnole est une des plus riches en Europe. Nous allons donc commencer par un survol rapide du XIIè siécle, époque particulière pour l’Espagne puisqu’elle correspond à la fin de reconquête du Nord de la péninsule ibérique, celle-ci ayant commencé au VIIIè siècle. Cela ne signifie pas pour autant qu’au XIIè siècle la menace arabe n’existait plus, puisque les Maures ont essayé d’envahir de nouveau à intervalles plus ou moins réguliers la partie septentrionale de l’Espagne, notamment les Almoravides à la fin du XIè siècle et les Almohades au milieu du XIIè siècle.

     

    Cette reconquête va évidemment inspirer de nombreux auteurs, surtout à partir du XIIè siècle, avec une littérature de caractère épico-narrative. Deux monuments de cette époque sont à signaler, tout d’abord El cantar de mio Cid, qui en est l’œuvre maîtresse, et ce que l’on appelle El mester de juglaria que l’on pourrait traduire par « le métier de jonglerie ». El cantar de mio Cid qu’il est inutile de traduire,  est un poème épique d’auteur inconnu, écrit vers 1142 en vers de 16 syllabes. La copie qui nous en est restée est d’un certain Pero Abad, lequel vécut au début du XIVè siècle, et qui altéra quelque peu le l’œuvre originale.

     

    Celle-ci se distinguait des poèmes épiques écrits en français par un relatif réalisme, mais aussi par l’absence de veine fantastique, la sincérité exacerbée des sentiments et un art moins riche. Elle chante les louanges de l’immense figure du héros national ( el Cid Campeador qui signifie, en français, le seigneur qui gagne les batailles), évoquant plus particulièrement son exil, ses exploits et la conquête de Valencia (Valence) en 1094. D’une scrupuleuse exactitude géographique, ce qui n’est pas le cas de la réalité historique, débordant de sentiment national, El cantar de mio Cid a été écrit avec la plus noble simplicité.

     

    El mester de juglaria parle de jongleurs qui récitaient des poèmes épiques devant les seigneurs, mais aussi diffusaient de nombreuses épopées populaires, elles aussi anonymes. A noter que ces jongleurs (hommes ou femmes), vêtus de robes de couleur voyantes, étaient aussi poètes, danseurs, montreurs de marionnettes, et musiciens jouant de la guitare, de la trompe de chasse ou du tambour. Parmi ces épopées, il faut citer celles qui évoquent les Siete Infantes de Lara (les sept infantes de Lara), qui est en fait une légende à la force dramatique incontestable sur fond d’offense et de vengeance avant « la reconquête », ou encore la particion de los reinos (le partage des royaumes) et bien d’autres ouvrages de même nature. C’est l’ensemble de toutes ces œuvres qui sont désignées sous le vocable de mester de juglaria.

     

    Michel Escatafal

  • Bonaventure des Périers

    On ne connaît pas très précisément la vie de Bonaventure des Périers né, sans doute à Arnay-le- Duc près de Beaune, au tout début du 16è siècle. En revanche on est certain qu’il était secrétaire et valet de chambre de Marguerite, reine de Navarre et sœur de François 1er. Nous savons aussi qu’il s’est converti au protestantisme, et qu’il publia en 1537 quatre dialogues satiriques sous le titre de Cymbalum mundi en réaction aux nombreuses controverses religieuses de l’époque.

     

    Cette publication lui valut de multiples ennuis car, en plus de combattre le christianisme, elle le ridiculisait profondément. Il perdit ainsi  la protection dont il bénéficiait auprès de la reine de Navarre, cette dernière n’osant pas le soutenir malgré l’estime qu’elle lui portait en raison notamment de son art de conteur enjoué. Il mourut entre 1543 et 1544, probablement par un suicide.

     

    Son meilleur titre au souvenir de la postérité est un recueil de contes en prose plein de bonne humeur, qui ne fut publié que longtemps après sa mort (en 1558), sous le titre  de Nouvelles Récréations et Joyeux Devis, ce mot de devis signifiant propos ou conversations. Il importe de dire que quelques uns de ces contes ne sont certainement pas de des Périers, certains de ses adversaires ayant même contesté, mais sans aucune vraisemblance, que le recueil ait pu lui appartenir même partiellement. Nous avons encore de lui une traduction du Lysis de Platon, et on lui attribue une traduction en vers de l’Andrienne de Térence, qui parut en 1555.

     

    Michel Escatafal

  • Ronsard, l'art savant

    ronsard.jpgNé en 1524 au château de la Poissonnière, près de Vendôme, Pierre de Ronsard est peut-être devenu un de nos plus grands poètes en raison d’une  surdité précoce, survenue à l’âge de 18 ans. En tout cas après avoir suivi pendant une courte période une carrière diplomatique, il résolut très tôt de se consacrer aux lettres et à la poésie, peut-être parce que dans ce domaine son handicap ne l’était plus. Ainsi, après avoir suivi les leçons de l’humaniste Daurat, directeur du collège Coqueret, où comme je l’ai dit dans ma précédente note il se retrouva avec Baïf, Rémi Belleau et Joachim du Bellay pour, tous ensemble et également épris d’un amour des œuvres de l’antiquité, tenter de renouveler la poésie française.

    Cela étant, par l’étendue et la variété de son œuvre, Ronsard mérite d’être considéré comme le plus grand représentant de cette école. D’ailleurs, après avoir conquis très tôt la notoriété, sa gloire ne fit que croître jusqu’à sa mort en 1585 au point que les reines et roi, Catherine de Médicis, Charles IX, Elisabeth, Marie Stuart, lui donnèrent des marques de leur bienveillance. Cependant, l’art savant de Ronsard ne trouva pas grâce aux yeux de Malherbe, soucieux avant tout de naturel et de simplicité. Cela valut à Ronsard deux siècles d’oubli,  avant d’être réhabilité au 19è siècle par l’école romantique.

    Depuis la gloire de Ronsard s’est encore accrue, au point de retrouver la plus grande partie de l’engouement qu’avait suscité son œuvre auprès de ses contemporains. Certes ses louanges aux divinités païennes qui remplissent ses odes pindariques laissent facilement indifférents, tout comme les aventures de Francus, fils d’Hector, que le poète se proposait de chanter dans la Franciade…et qu’il arrêta très vite s’apercevant qu’il faisait fausse route, mais cela n’empêcha pas les critiques d’être séduits par la souplesse des rythmes et la riche harmonie des mots et des périodes.

    A coté de cela, certaines parties de ses Hymnes et de ses Discours sont d’une abondance épique ou oratoire vraiment entraînante. Mais plus que tout, rien ne saurait surpasser la grâce de quelques odes légères, de quelques élégies, de quelques sonnets, qui sont demeurés ses pièces les plus célèbres. Nul n’a oublié et n’oubliera jamais les odes à Cassandre, comme Cassandre Salviati, dame de Pré, à qui le poète dédia encore un recueil d’Amours, ou les Amours de Marie, comme Marie Dupin, de Bourgueil, jeune fille dont on ne saura jamais si elle était d’humble naissance ou si au contraire elle cachait une personne beaucoup plus haut placée, sans oublier le fameux sonnet à Hélène, du prénom de Madame de Surgères, demoiselle d’honneur de Catherine de Médicis , reine de France grâce à son mariage avec Henri II.

    Michel Escatafal

  • du Bellay ou la réforme poétique

    du bellay.jpgAppartenant à une des plus illustres familles du royaume, Joachim du Bellay naquit à Liré dans l’Anjou (aujourd’hui dans le département de Maine-et-Loire) en 1522 et mourut à Paris en 1560, après avoir vécu en Italie (1553-1557) auprès du cardinal Jean du Bellay. Joachim du Bellay est évidemment associé à la Pléiade,  nom qui  fut donné au 3è siècle avant notre ère à une réunion de sept poètes tragiques d’Alexandrie, par allusion à la constellation ainsi appelée. Parmi eux  Lycophron, l’auteur de l’étrange poème d’Alexandra, qui fut repris au 16è siècle en France par la société formée de l’humaniste Daurat (mort en 1588), de ses élèves Ronsard, Baïf, du Bellay, Rémi Belleau, de Jodelle et de Pontus de Thyard (1521-1605), évêque de Chalon-sur-Saône.

    Du Bellay et son ami Ronsard  entreprirent de concert avec les autres poètes de la Pléiade l’œuvre de la réforme poétique. A ce propos, du Bellay joua le rôle de précurseur  puisqu’il publia dès 1549 un premier recueil de poésies, l’Olive, et son très célèbre livre la Défense et Illustration de la langue françoyse, qui fut le manifeste de l’école nouvelle. Dans cet ouvrage dont Ronsard fut certainement le collaborateur, du Bellay cherchait à prouver que l’infériorité de la littérature française par rapport aux littératures antiques, était due uniquement à la faiblesse des écrivains qui s’en étaient servis, et non au défaut de notre langue. Pour enrichir et illustrer notre langue, il suffisait d’emprunter aux anciens leurs mots, leurs tours, leurs idées et leurs genres.

    Ce mouvement de retour de l’Antiquité devait être éminemment profitable au développement de notre littérature, en raison de son caractère réglé et modéré. Le séjour de du Bellay à Rome lui inspira ses deux plus beaux recueils de sonnets, les Antiquités de Rome et les Regrets, remplis de force et de mélancolie. Mais il a aussi laissé, outre ses Jeux Rustiques, des pièces diverses, lyriques, élégiaques  et satiriques, dont la forme et le sentiment sont souvent intéressants. En outre certaines de ces pièces  appartiennent au groupe de ces poésies d’inspiration, à la fois érudite et  païenne, qui ne se rapportent en rien aux habitudes et aux sentiments modernes.

    Michel Escatafal