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  • Mirabeau symbolise la puissance et la gloire oratoires

    mirabeau,révolution,démosthène,eschine,littérature,histoirelGabriel-Honoré de Riquetti, comte de Mirabeau, est né au château du Bignon, situé aujourd’hui dans le département du Loiret (arrondissement de Montargis), le 9 mars 1749, d’un père illustre et terrible, notamment par la manière dont il a traité sa femme, Marie Geneviève de Vassan, vicomtesse de Saint Mathieu. Victor Riquetti, marquis de Mirabeau (1715-1789), passionné d’économie politique, a beaucoup écrit pour soutenir les réformes qui lui paraissaient profitables au plus grand nombre, revendiquant pour lui-même le titre d’un de ses ouvrages, l’Ami des Hommes.

    Deuxième enfant (sur dix) du couple, le comte de Mirabeau ou Mirabeau comme l’a toujours appelé la postérité, a composé un grand nombre d’ouvrages divers, romanesques, politiques et historiques. Mais c’est surtout comme orateur qu’il est connu. Député du Tiers aux Etats généraux, dont il sera la figure de proue en 1789, il y apporte, après une jeunesse orageuse, et avec un sentiment de la liberté individuelle exaspéré par ses propres aventures, le fruit de ses études et de ses réflexions sur la politique et l’histoire.

    Doué d’une extraordinaire puissance oratoire, il affirme son génie et son autorité dès les premières séances de l’assemblée des Etats généraux. Ensuite, son ascendant sur ses collègues et sur la nation ne fait que s’accroître, et, quoiqu’il ait perdu de sa popularité dans les derniers temps de sa vie, il meurt le 2 avril 1791, laissant, auprès de beaucoup de bons esprits, la réputation du seul homme qui se fût peut-être montré capable de modérer le mouvement révolutionnaire, et de réconcilier  la royauté avec les représentants de l’esprit nouveau.

    On ne peut lire les discours de Mirabeau comme on lirait une œuvre écrite à loisir par un écrivain de profession, ou même comme ces grands discours des orateurs anciens, qui, dans toute la chaleur de leur inspiration, n’ont jamais oublié les règles de l’école, et chez lesquels les apparentes négligences sont elles-mêmes voulues et calculées pour produire des effets certains. Il faudrait, si l’on voulait bien lire de pareils morceaux, se représenter le monstre lui-même rugissant, pour appliquer à Mirabeau les  mots d’Eschine sur Démosthène, et se laisser entraîner par le mouvement de son éloquence, en fermant les yeux aux mille imperfections du style d’un orateur qui veut, non pas se faire admirer, mais convaincre.

    Parmi ses plus célèbres discours, je retiendrais celui que l’on appelle Discours sur la banqueroute (26 septembre 1789).  Pour mémoire il faut rappeler que le ministre des finances Necker, pour pourvoir aux besoins de l’Etat, sur le point de faire banqueroute, proposait de lever, à titre de secours extraordinaire, un impôt égal au quart des revenus de chaque citoyen. Mirabeau avait déjà parlé à trois reprises pour défendre ce plan, ou plutôt pour demander qu’on l’adoptât sans discussion, tout en rédigeant avec le plus grand soin le projet de décret qui disait : « Vu l’urgence des circonstances, et ouï le rapport du comité des finances, l’Assemblée nationale accepte de confiance le plan de Monsieur le premier ministre des finances ». C’est  pour vaincre les dernières hésitations qu’il prononça ce discours.

    Dans ce discours, il y a un passage qui m’a particulièrement interpellé : « Eh Messieurs, à propos d’une ridicule motion du Palais-Royal, d’une risible insurrection qui n’eut jamais d’importance que dans les imaginations faibles ou les desseins pervers de quelques hommes de mauvaise foi, vous avez entendu naguère ces mots forcenés : Catilina est aux portes de Rome, et l’on délibère ! Et certes, il n’y avait autour de nous  ni Catilina, ni périls, ni factions, ni Rome. Mais aujourd’hui la banqueroute, la hideuse banqueroute est là ; elle menace de consumer vous, vos propriétés, votre honneur…et vous délibérez ». A noter que l’allusion à Catilina, le célèbre conjurateur romain (108-62 av. J.C.), s’adressait à un député qui avait accusé faussement Mirabeau d’être à la tête d’un parti qui voulait changer l’ordre de la succession au trône.

    Michel Escatafal