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Littérature et histoire - Page 30

  • Le plus aventureux des membres de la Pléiade

    de Baïf.jpgFils du savant Lazare de Baïf, qui fut ambassadeur de François 1er à Venise, né lui-même dans cette ville en 1532, mort en 1589 à Paris, Jean-Antoine de Baïf qui suivit avec Ronsard les leçons de Daurat, d’abord chez son père puis au collège Coqueret, fut sinon le plus remarquable du moins le plus aventureux des membres de la Pléiade.

    Non content de s’inspirer de l’antiquité, il essaya d’introduire dans la poésie française la versification mesurée des Latins et des Grecs : il se proposait ainsi de restaurer l’union parfaite de la musique et de la poésie, et c’est dans le même dessein qu’il fonda chez lui, au faubourg Saint-Victor, une académie de musique et de poésie autorisée en 1570 par lettres patentes de Charles IX.

    Ses œuvres renferment cinq recueils principaux : les Poèmes, les Amours, les Jeux (comprenant la traduction d’une comédie de Térence, d’une comédie de Plaute et de l’Antigone de Sophocle), les Passe-Temps, enfin les Mimes, sorte de poèmes moraux en sizains. Il faut y ajouter, les Etrènes de poézie fransoèze (1573), écrites suivant les règles de l’orthographe  que Baïf voulait faire adopter, avec une transcription phonétique de la langue parlée.

    On n’oublie pas non plus des œuvres restées inédites :  traductions des Psaumes en vers rimés et en vers  mesurés que l’on a appelés plus tard « vers baïfins » , Chansonnettes en vers mesurés également  même si parfois  le poète a tenu compte du nombre de syllabes ce qui en fait en quelque sorte des vers blancs, et des traductions qu’on n’a pas retrouvées de la Médée d’Euripide, des Trachiniennes de Sophocle, du Plutus d’Aristophane et de L’Héautontimorumenos (le Bourreau de soi-même) de Térence.

    Michel Escatafal

  • Le Grand d'Espagne...

    cervantes.jpgCervantes est né à Alcala de Henares, près de Madrid, d’une famille noble mais pauvre. Après avoir étudié à Alcala puis à Madrid, il partit à Rome avec le cardinal Acquaviva (1569), s’enrôlant comme soldat dans la Sainte Ligue formée contre les Turcs. Il fut victime de trois blessures au cours de la fameuse bataille de Lépante en 1571, ce qui le laissa infirme de sa main gauche et qui lui valut le surnom de Manchot de Lepante ou le Glorieux Manchot.

    En rentrant d’Espagne avec son frère Rodrigue dans la galère El Sol,  il fut pris par des pirates berbères et emmené à Argel (Algérie), où on le retint captif pendant cinq ans (1575-1580) malgré de nombreuses tentatives d’évasion qui ne firent que rendre plus pénibles ses conditions de détention. Recueilli par les « Padres  Redentoristas » (ordre religieux), il revint en Espagne pour mener une vie laborieuse, occupant divers emplois mineurs. Il se maria en 1584 avec Catalina de Salazar  et se consacra de plus en plus à l’écriture.

    Il publia en 1585 sa première œuvre, un roman pastoral La Galatea écrit dans les années 1581 à 1583. La Galatea  est censée représenter plusieurs comédies, mais seule la première fut écrite et publiée. Elle n’en reste pas moins une œuvre remarquable. En 1587 il obtint à Séville un emploi dans le ravitaillement de l’Invincible Armada, ce qui l’amena à réfléchir amèrement sur la  condition militaire. Ne pouvant obtenir dans les Indes la place ou la charge qu’il sollicitait, sans parler de l’impossibilité de récupérer  les soldes qu’on lui devait, il se trouva dans une situation très difficile vers 1590.

    Cet épisode pénible de la vie de Cervantes  permet d’évoquer l’étonnant  paradoxe de cette Espagne triomphante des siècles 15 et 16.  Voilà un pays qui possédait  à ce moment  les terres extrêmement fertiles de la Lombardie et la Sicile, qui contrôlait l’industrie ô combien importante de la Flandre, sans parler de l’or et de l’argent qu’il recevait d’Amérique. Et bien, malgré toutes ces richesses, les pauvres soldats espagnols étaient dans l’obligation de se payer en nature sur l’ennemi, faute de toucher leur solde.  Les soldats n’étaient pas les seuls à souffrir à cette époque, car les populations de la péninsule ibérique n’étaient pas épargnées non plus avec la misère et la maladie (peste) qui s’étendaient partout.

    Il faut se rappeler que la situation était tellement dramatique pendant le règne de Charles Quint,  que ce dernier fut obligé de mendier aux Cortes une contribution de guerre que la noblesse miséreuse ne put lui donner. On se posa donc la question de savoir comment renflouer le trésor public, d’autant qu’en 1492 on avait déjà fait payer les Juifs en confisquant leurs biens, ce qui ne laissa qu'un court répit aux finances de la nation. Au siècle suivant ce fut au tour des Morisques, qui avaient su garder une relative prospérité  sur des terres fertiles et irriguées, d’être déportés sur les plateaux arides de l’intérieur pour que les paysans de Castille puissent s’installer à leur place, ce qui ne changea pas grand-chose au problème. En 1609 ils furent de nouveau délogés de la riche plaine de Valence pour les condamner à l’exil, mais la misère de l’Espagne ne diminuait pas pour autant.

    Fermons cette longue parenthèse pour  parler de nouveau de Miguel de Cervantes qui,  après avoir vécu successivement à Séville, Madrid, et Valladolid, allait se consacrer   de plus en plus à la littérature. Il publia en 1605 la première partie de son œuvre majeure, Don Quijote (Don Quichotte), personnage haut en couleurs qu’il avait imaginé du fond de sa prison où l’avait conduite la faillite de la banque où il déposait les fonds quand il fut brièvement  percepteur des finances. Ensuite en  1613 ce furent les  Novelas ejemplares (romans exemplaires), écrits en majeure partie sur plusieurs années, en 1614 el Viaje de Parnaso (Voyage de Parnasse), et l’année suivante Ocho comedias y ocho entremeses (huit comédies et huit intermèdes).

    Toujours en 1615, fut publiée la deuxième partie de Don Quichotte, dans laquelle on retrouve l’histoire des Morisques avant l’expulsion de 1609, ces derniers étant  persécutés  pour être jugés infidèles à leur nouvelle religion (catholique). Décidément l’homme ne change pas ! Cervantes  mourut pauvre et en disgrâce en 1616 peu de jours après avoir écrit le prologue de son ultime œuvre Los Trabajos de Persiles y Segismunda (Travaux de Persille et Sigismonde). Compte tenu de la qualité de son œuvre et de son rayonnement en Espagne et dans le monde, j’en parlerai plus abondamment dans un prochain article, et notamment du célébrissime Don Quichotte que j’ai eu la chance de lire en français d’abord et en espagnol ensuite. Une pure merveille !

    Michel Escatafal

  • François de Sales, un esprit juste et raisonnable

    François de Sales.jpgNé en 1567 au château de Sales, près d’Annecy, François de Sales entra dans les ordres en 1595. Ensuite il fut nommé évêque de Genève en 1602, et résida en cette qualité à Annecy. Il mourut à Lyon en 1622 et fut canonisé en 1665. Ses écrits, d’une grâce un peu molle et qui ne sont pas toujours exempts de mauvais goût, révèlent une âme d’une grande douceur, et souvent un esprit pénétrant et moraliste.

     

    Le plus célèbre d’entre eux est l’Introduction à la vie dévote (1608) dans laquelle on retrouve des phrases comme celle-ci : « Nous ne sommes hommes que par la rayson, et c’est pourtant chose rare de trouver des hommes vrayement raysonnables ». On y trouve aussi d’étranges affirmations, telle que : « Nous sommes comme les perdrix de Paphlagonie (pays d’Asie Mineure) qui ont deux cœurs… », empruntée à l’Histoire naturelle de Pline et qu’on rencontre également dans le livre De la nature des animaux du compilateur grec Elien (3è siècle après J.C.), mais aussi dans les Nuits attiques du grammairien romain Aulu-Gelle (vers 115-180).

     

    A cette œuvre, il faut joindre le Traité de l’amour de Dieu (1616), des Sermons, et des Lettres, la plus connue étant celle à Mademoiselle de Soulfour, qui était une religieuse de la communauté des Filles-Dieu à Paris. A noter que cette communauté dépendait de la célèbre abbaye de Fontevrault, et François de Sales avait beaucoup contribué à en rétablir la régularité et la prospérité.

     

    Ce dernier eut aussi une grande influence sur l’âme de Mme de Chantal (1572-1641), grand’mère de Madame de Sévigné. Il l’associa à plusieurs de ses œuvres et la mit à la tête de l’ordre de la Visitation, fondé par lui à Annecy en 1610.

     

    Michel Escatafal

  • Un soldat et un courtisan qui a su parler des plus célèbres personnages de son temps

    brantôme.jpgPierre de Bourdeille, qui prit le nom de Brantôme, d’une abbaye dont il avait le bénéfice, quoique laïque, est né vers 1540 en Périgord et mort en 1614. Soldat, il guerroya contre les huguenots, les Turcs et les Maures, mais aussi courtisan, il se retira dans ses terres après la mort de Charles IX (1574) et s’y occupa de consigner par écrit tout ce qu’il avait su ou appris de curieux sur les plus célèbres personnages de son temps.

     

    De là est née son œuvre : des Grands capitaines françois où il évoque notamment M. le connestable messire Anne de Montmorency (1492-1567) ou encore le grand roy Henry II (1519-1559), des Grands capitaines étrangers, des Dames par exemple Marie-Stuart (1542-1587) quittant la France (discours III sur la reyne d’Escosse, jadis reyne de nostre France), recueils précieux par le grand nombre d’anecdotes qu’ils contiennent et les renseignements que nous y pouvons puiser, pour reconstituer l’histoire de la vie élégante au XVIè siècle. Il faudra toutefois attendre le XVIIIè siècle pour que ses écrits franchissent le mur de l’histoire de notre littérature.

     

    Brantôme raconte avec une certaine vivacité, et c’est son principal mérite, certains diront même le seul. En effet, il n’a vu des évènements qui s’agitaient autour de lui  que la surface, et l’on chercherait vainement chez lui l’expression d’une pensée quelque peu originale ou profonde. Pour les critiques les plus sévères il fut surtout un bavard impénitent.

     

    Michel Escatafal

  • Le plus célèbre des pamphlets : la Satire Ménippée

    Satire Ménippée.jpgLe philosophe cynique Ménippe, Grec de Syrie, qui vivait au 4è ou au 3è siècle avant l’ère chrétienne, avait laissé une réputation presque légendaire de satirique spirituel et audacieux. Il avait d’ailleurs publié un recueil de satires qui devinrent des modèles du genre. Ainsi l’érudit Varron (116-27), que certains ont appelé « le plus savant des Romains », avait écrit des satires à la manière de Menippe. C’est du même souvenir que se sont inspirés les auteurs du plus célèbre de tous les pamphlets qui ont été publiés pendant la Ligue, la Satire Ménippée du catholicon double d’Espagne et des Etats de la Ligue, œuvre littéraire de grande valeur qui a contribué à ramener les esprits de l’époque à plus de tolérance.

    Cette satire met d’abord en scène deux charlatans, l’un Espagnol, l’autre Lorrain, symbolisant le roi d’Espagne, Philippe II, et le duc de Mayenne, de la maison de Guise et de Lorraine, avec tous leurs partisans, et vendant une drogue aux vertus merveilleuses, le catholicon double d’Espagne. Puis la satire fait défiler dans la plus véridique et la plus comique des descriptions, la procession ordonnée par la Ligue avant l’ouverture des Etats. Enfin la salle même des Etats ayant été décrite, avec ses tapisseries allégoriques, dont les malicieux écrivains inventent les sujets, afin d’y trouver plus sûrement matière à railleries ironiques, la satire rapporte les discours plus ou moins longs, plus ou moins risibles des différents orateurs qui se sont fait entendre aux Etats. Parmi ceux-ci, on notera en dernier lieu celui de M. d’Aubray parlant pour le Tiers Etat, protestation abondante et, par endroits, chaleureuse du bon sens et de l’honnêteté.

    L’idée première de la Ménippée peut-être attribuée avec une quasi certitude à un certain Pierre Leroy, chanoine de Rouen, « homme honorable et très ennemi des factions », comme le décrit de Thou dans son Histoire. Ce dernier fait aussi allusion à un autre écrivain qui aurait porté à sa perfection le dessein de Le Roy. Dans ce collaborateur essentiel, il faut probablement (mais pas sûrement) reconnaître l’illustre jurisconsulte Pierre Pithou (1539-1596), qui serait particulièrement l’auteur de la Harangue de M. d’Aubray.

    En outre le poète Nicolas Rapin ((1540-1608), qui avait été grand prévôt de la connétable de Paris, et s’était battu plus tard à Ivry, dans les rangs de l’armée royale, mais aussi Jean Passerat (1534-1602), professeur au Collège Royal (Collège de France), prirent pour eux le soin d’écrire les vers de la Satire, auxquels se joignit un peu plus tard une ingénieuse pièce de Gilles Durant (1550-1615), avocat au Parlement de Paris qui cultivait la poésie. Cette pièce est une satire fine et naïve dirigée contre la Ligue, intitulée : A mademoiselle ma cousine sur le trespas de son asné, regret funèbre.

    On regarde enfin comme ayant collaboré à cette œuvre collective et anonyme Jacques Gillot, conseiller clerc au Parlement, chez lequel tous les autres se réunissaient, et l’érudit Florent Chrestien (1540-1596), ancien précepteur, sans oublier…Henri IV. Les Etats de la Ligue avaient eu lieu en février 1593, et la Satire parut datée de cette même année, mais elle ne fut publiée qu’en 1594, c’est-à-dire après la conversion et le sacre d’Henri IV, quand ce roi était déjà dans Paris ou tout près d’y entrer. Elle fut d’abord intitulée la Vertu du Catholicon d’Espagne, puis l’année suivante après la soumission de Paris, on ajouta à cette brochure un Abrégé des Estats de la Ligue, le tout recevant le nom de Satire Ménipée.

    Michel Escatafal