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Beaumarchais ou "le brillant écervelé", comme disait Voltaire

Né à Paris le 24 janvier 1732, tour à tour horloger, musicien, financier, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, fut engagé dans les négociations ou chargé des besognes les plus diverses tout au long de sa vie.  Habile, remuant, audacieux, toujours prêt à mettre la main dans les entreprises fructueuses qui exigent plus d’activité et de dextérité que de délicatesse, il trouva dans une aventure domestique le sujet de sa première œuvre dramatique, Eugénie (1767), drame conçu dans la manière de Diderot, de Sedaine et de Mercier, ce dernier étant l’auteur d’un célèbre et très intéressant Tableau de Paris (1781-1790) à côté d’un grand nombre d’œuvres fort médiocres.

La seconde pièce de Beaumarchais fut encore un drame, les Deux Amis ou le Négociant de Lyon (1770). C’est alors qu’un procès assez peu intéressant en lui-même lui fournit l’occasion de déployer toute sa verve dans une série de Mémoires, à propos desquels Voltaire disait : «  J'ai lu tous les mémoires de Beaumarchais, et je ne me suis jamais tant amusé.  J 'ai peur que ce brillant écervelé n'ait au fond raison contre tout le monde ». En tout cas, pour celui concernant son procès, il est difficile de savoir ce qu’il fallait le plus admirer, de la finesse mordante dans l’attaque, de l’apparente bonhomie dans la justification, de la dialectique serrée dans la discussion, de l’éloquence virulente dans l’apostrophe, de l’habileté surtout d’un auteur qui semble confondre sa cause avec celle du public tout entier et qui réussit à élever un débat, mesquin dans le fond, jusqu’à un très haut point de généralité et à en faire un de ces procès où les intérêts et les droits essentiels de l’humanité paraissent mis en question.

 

C’est en 1775 que parut l’immortelle et charmante pièce du Barbier de Séville, dont on peut dire qu’elle renouvelle entièrement le type de la comédie classique. Moins parfaite peut-être, mais plus originale encore et singulièrement plus hardie est cette comédie du Mariage de Figaro (1784), où l’esprit tient plus de place que l’observation des caractères, et dont les plaisanteries sont si brûlantes et si multipliées qu’elles font penser à un feu roulant qui s’attaque à tous les supports du vieil édifice social.  En 1791, Beaumarchais fit représenter sa dernière œuvre dramatique, le drame de l’Autre Tartuffe ou la Mère coupable, dans lequel il remet en scène les personnages des deux comédies précédentes, mais vieillis, chagrins, ennuyés et ennuyeux. Inquiété par le gouvernement révolutionnaire, forcé de s’exiler une première fois à Londres, une seconde à Hambourg, compromis dans des entreprises douteuses, il mourut ruiné en 1799. Il faut ajouter à la liste de ses œuvres l’opéra de Tarare (1787), mis en musique par Salieri (1750-1825), quelques poésies légères, quelques écrits politiques et des lettres.

Pour revenir au Mémoire concernant son procès, le Quatrième mémoire à consulter, il faut noter qu’il fut sans doute inspiré à Beaumarchais par le souvenir de la Dédicace du Discours sur l’origine de l’Inégalité de Rousseau. Ce procès contre Duverney, donne une image assez précise des mœurs de l’époque prérévolutionnaire. Pour nous résumer, le financier Paris-Duverney était mort, laissant un règlement de compte par lequel il reconnaissait devoir à Beaumarchais quinze mille francs et promettait de lui en prêter soixante-quinze mille pendant huit ans, sans intérêts. Le petit-neveu et légataire universel de de Duverney, le comte de la Blache, nia que ce règlement signé par son grand-oncle fût valable. Il perdit son procès en première instance, mais interjeta appel. A ce moment Beaumarchais fut emprisonné pendant quelque temps à la suite d’une affaire d’honneur, et à peine put-il obtenir de sortir un seul jour, sous la conduite d’un agent de police, pour s’occuper de son procès.

Il essaya d’obtenir une audience du rapporteur de l’affaire, le conseiller Goëzman, en offrant à sa femme cent louis, une montre entourée de pierreries, plus quinze louis pour un secrétaire. Quand Beaumarchais fut condamné sur le rapport de Goëzman, Madame Goëzman lui rendit les cent louis et la montre, mais garda les quinze louis destinés au secrétaire. Beaumarchais les réclama, mais Goëzman répondit en l’accusant de tentative de corruption : c’est pour cette raison que Beaumarchais en appela à l’opinion publique en rédigeant ses Mémoires à Consulter, où il évoquait le Parlement Maupeou, dont faisait partie Goëzman, qui était déjà tout à fait impopulaire. Pour mémoire, on rappellera qu’en 1775 le chancelier Maupeou avait substitué un nouveau parlement à l’ancien, dont les membres avaient été exilés. C’est ce nouveau parlement  devant lequel comparut Beaumarchais, que l’opinion publique flétrit sous le nom de Parlement Maupeou.

Un dernier mot enfin, à propos du Mariage de Figaro, une des œuvres majeures de Beaumarchais, et qui  fut, dès son apparition, jugée par le pouvoir comme une comédie dangereuse. Celui-ci comprit les critiques amères qui s’y faisaient jour partout contre les injustices sociales et l’arbitraire. Nulle part les intentions de l’auteur n’éclatent mieux que dans un monologue célèbre où Figaro, en lutte contre son maître, le comte Almaviva, exprime, avec la verve d’un journaliste plutôt qu’avec le naturel d’un personnage de comédie, les sentiments presqu’unanimes de ses contemporains, sentiments de révolte des petits contre les grands, des écrivains contre une législation qui les opprime. D’ailleurs, même si l’action de la comédie se passe en Espagne, les mœurs que l’auteur attaque sont celles de la France, et aucun spectateur ou lecteur de la pièce ne s’y trompait.

Michel Escatafal

 

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