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histoire - Page 3

  • Lemercier, l’auteur d’Agamemnon

    littérature,histoire,lemercierNé le 21 avril 1771 à Paris où il mourut le 7 juin 1840, Louis-Jean-Népomucène Lemercier avait dix-sept ans quand il fit représenter sa première pièce, une tragédie en cinq actes, Méléagre. En fait il n’y eut qu’une représentation de cette pièce, due à la bienveillance de la reine Marie-Antoinette qui invita toute la Cour au spectacle. Cette protection de Marie-Antoinette avait pour origine le fait que  Lemercier eut pour marraine la Princesse de Lamballe, elle-même amie de longue date de la reine. En revanche le succès de la belle tragédie d’Agamemnon(1797), son chef-d’œuvre, ne devait rien à personne, mais simplement à la qualité de la pièce. En 1801, Lemercier donna dans un genre nouveau, avec Pinto, ou la Journée d’une conspiration, sorte de comédie historique qui semble encore assez intéressante aujourd’hui, même si on ressent un manque d’ingéniosité et de vivacité dans l’agencement de l’intrigue et l’invention du dialogue.

    Ses deux comédies en vers, Plaute (1808) et Christophe Colomb (1809), et son étrange poème, la Panhypocrisiade, ou le  Spectacle infernal du seizième siècle, comédie épique en seize chants (1819), attestent encore, sinon de la souplesse et la finesse du talent de Lemercier, du moins de son louable désir de sortir des sentiers battus et d’ouvrir des voies nouvelles à la poésie et à l’art dramatique. Cela étant, la langue de Lemercier dans la Panhypocrisiade, comme d’ailleurs dans la quasi-totalité de son œuvre, est à la fois gauche, pauvre et prosaïque, ce qui affaiblit singulièrement l’intérêt de la comédie et les pensées qu’il y développe. Deux vers du deuxième chant de La Panhypocrisiade, ou le Spectacle infernal du seizième siècle (La fourmi et la mort) résument à eux seuls ces restrictions : « Quel pouvoir a, du sol agitant la surface,/Subverti nos états et la terrestre masse » ? Rien n’est beau dans ces vers, y compris l’emploi du mot subverti !

    Ce poème est le long récit d’une comédie dont le sujet est l’histoire de Charles-Quint et de son siècle. Lemercier assimile le mot Panhypocrisiade à un poème sur l’hypocrisie sous toutes ses formes, et il laisse pressentir que c’est celle de ses contemporains, non moins que celle des siècles passés, qu’il veut décrier et bafouer. Au reste il a publié quelques années plus tard (en 1832) une suite en quatre chants  de cet ouvrage un peu particulier, aux attributs romantiques, que Victor Hugo avait qualifié de « sorte de chimère littéraire ».

    Lemercier n’en compta pas moins parmi les adversaires les plus résolus des poètes romantiques, dont les hardiesses l’effrayèrent peut-être, sans qu’il ait été sensible au charme et à l’éclat de leur versification. Tout le monde s’est plu à honorer chez Lemercier, à l’égal du talent, la haute probité du caractère et l’indépendance qu’il sut garder à l’égard du gouvernement révolutionnaire et du gouvernement impérial, quoiqu’il aimât la liberté et qu’il admirât le génie de Napoléon.

    Michel Escatafal

     

  • Antoine-Vincent Arnault, était aussi un poète remarquable

    littérature,histoire,antoine-vincent arnault,marius à minturnesAntoine-Vincent Arnault est né à Paris le 1er janvier 1766 et mort le 16 septembre 1834 à Goderville (Seine-Maritime).  Après être devenu secrétaire du cabinet de Madame (soeur de Louis XVI) en 1786, il entama une carrière dramatique et obtint en 1791, avec sa tragédie de Marius à Minturnes (1791), un succès qu’il ne retrouva jamais, y compris avec Lucrèce (1792), autre tragédie républicaine, ce qui a fait dire à ses détracteurs qu’il fut l’homme d’une seule pièce. Après avoir été forcé d’émigrer pendant la Terreur, la Restauration le punit à son tour de sa fidélité à l’Empire et à Napoléon, qu’il devait accompagner en Egypte avant d’interrompre son voyage à Malte pour raison de santé, en l’exilant et en le faisant exclure en 1815 de l’Institut (qu’il avait intégré en 1799), après avoir été élu pendant les Cent- Jours membre de la Chambre des représentants.

    Il fut rappelé quatre ans plus tard et se vit restituer en 1829 sa place d’académicien, devenant même en 1833 secrétaire perpétuel de l’Académie. Ses Fables (1812-1825), satiriques pour la plupart, et qui n’ont rien de commun avec celles de la Fontaine, n’en sont pas moins fort remarquables : la verve un peu âpre ou parfois la mélancolie qui les anime en font une des productions les plus originales de toute cette période. Quelques unes d’entre elles sont de véritables chefs d’œuvre, contrairement  à la Vie de Napoléon qu’il écrivit en 1822. Parmi ces chefs d’œuvre, je voudrais citer le Chêne et les Buissons, où le chêne paraît être une image de Napoléon, ou encore la Feuille, fable  où l’on retrouve encore une fois l’image de l’Empereur et la fascination qu’il exerçait sur Arnault, notamment dans ces vers : « L’orage a frappé le chêne/Qui était mon seul soutien ».

    Michel Escatafal

  • M.J. de Chénier, moins génial que son frère mais cependant très talentueux

    Frère d’André, né comme lui à Constantinople le 11 février 1764, mort à Paris le 10 janvier 1811, Marie-Joseph de Chénier s’engagea à dix-sept ans (cadet gentilhomme dans les dragons de Montmorency), puis quitta le service, et, à vingt et un ans, fit représenter sa première œuvre dramatique.  C’est avec la tragédie de Charles IX (1789) qu’il obtint son premier succès, dû pour une grande part sans doute aux allusions que le public put saisir facilement dans cette pièce politique, parfois déclamatoire, mais dont certaines parties sont vraiment énergiques et que l’auteur eut le mérite de ne pas surcharger d’une intrigue parasite. Dès lors toutes les œuvres qu’il donna au théâtre, jusqu’à la fin de la Révolution, sont plus ou moins animées du même esprit révolutionnaire, Henri VIII (1791, Calas (1791), Caïus Gracchus (1792), Fénelon (1793), Timoléon (1794).

    Du reste, Marie-Joseph, qui fut membre de la Convention, était loin de partager les idées modérées de son frère, dont il fut séparé par de graves dissentiments, et il consacra souvent son authentique talent à composer des poésies lyriques pour les solennités républicaines, tel par exemple le fameux Chant du Départ, mis en musique par Méhul (1763-1817), considéré après la Marseillaise comme le plus beau de nos chants nationaux. Plus tard M.J. Chénier composa encore la tragédie de Cyrus (1804), et plusieurs autres qui ne furent pas représentées, Philippe II, Brutus et Cassius,  Œdipe roi, Œdipe à Colone, Tibère, mais aussi deux comédies et le drame de Nathan le Sage, traduit de Lessing (1729-1781).

    La gloire prépondérante d’André Chénier a fait tort à celle de son frère. Plusieurs des tragédies de ce dernier sont cependant d’excellentes œuvres du second ordre, et il s’en faut de peu que son Tibère, qui joint au mérite d’une versification assez ferme et d’une composition très rigoureuse et très sobre, celui d’une habile et profonde peinture de caractères difficiles à saisir et à représenter, ne soit du premier. Parmi ses poésies diverses, plusieurs sont d’une grande finesse, d’autres sont également remarquables par la noblesse du style et l’élévation du sentiment. Marie-Joseph de Chénier, fermement attaché aux principes de l’ancienne poétique, n’a pas le mérite d’avoir prévu la réforme dont son frère, par quelques caractères qu’il se distingue d’ailleurs des poètes romantiques, fut le plus glorieux précurseur.

    Néanmoins il y aurait de l’injustice à méconnaître son grand talent, et l’on ne voit pas bien qui l’on pourrait lui préférer, son frère excepté, parmi les poètes de sa génération. S’il en fallait une preuve supplémentaire, il suffit de lire ou relire son  Discours sur la calomnie (1797), qui est une réponse aux calomniateurs qui lui reprochaient de n’avoir rien tenté pour arracher son frère à la mort, accusation injuste qui allait lui déchirer le cœur jusqu’à la fin de ses jours. A ce propos, on découvre à travers ce discours fait de vers aussi touchants qu’harmonieux, qu’il avait réussi à sauver un autre frère dont le prénom était Sauveur, qui avait été arrêté à Beauvais puis transféré à la Conciergerie,  à Paris, et qui avait été en partie confondu avec André.

    Michel Escatafal

     

  • André Chénier, le précurseur

    littérature, histoireNé à Constantinople le 30 octobre 1762, d’un père français et d’une mère grecque, André-Marie de Chénier, qui fut amené tout jeune en France et y fit de brillantes études, s’engagea à vingt ans dans un régiment qui tenait garnison à Strasbourg. Il connut dans cette ville un de nos philologues français les plus célèbres, Brunck (1729-1803), qui fréquenta  à Paris Madame de Chénier, et qui venait de publier sa remarquable édition du recueil connu sous le nom d’Anthologie grecque, oeuvre dans laquelle il sut magnifiquement apporter sa touche personnelle au texte original.

    La lecture et l’étude des petites pièces qui composent ce recueil  et qui comptent parmi ce que le génie grec a produit, non de plus simple et de plus majestueux, mais de plus fin et de plus délicat, exerça sur l’esprit du jeune homme la plus grande influence.  Cependant, même s’il eut pour  Lebrun-Pindare,  jusqu’à l’époque de la Révolution,  la même admiration que tous ses contemporains, il  comprit sans doute dès lors  quelle distance séparait les inventions originales des Grecs, leur art si régulier et pourtant si libre et si naturel, leur mythologie si variée et si vivante, de la poésie artificielle de tant de leurs modernes imitateurs. Du même coup il aima la Grèce et la nature. Du même coup aussi il sentit tout le prix d’une forme parfaite et d’un sentiment sincère.  

    Fêté par une société d’élite, mûri par d’intéressants voyages, André Chénier avait déjà révélé son génie dans des pièces et des fragments nombreux quand la Révolution éclata, sans avoir rien publié, puisque la première édition de ses œuvres poétiques ne parut qu’en 1819. Hélas pour lui, la Révolution ne pardonnait rien à cette époque, et après avoir consacré son vigoureux talent de polémiste à défendre dans plusieurs journaux les idées libérales et modérées, il fut arrêté au mois de mars 1794, condamné à mort et exécuté le 25 juillet (7 thermidor an II). Dans les derniers temps de sa vie, prisonnier à Saint-Lazare, il a écrit quelques uns des vers les plus énergiques que la passion politique ait inspirés à un poète français.

    Ses autres œuvres comprennent des pièces antiques, qu’on peut regarder comme des études où son génie s’essayait, et dont quelques unes cependant méritent de passer pour des poèmes d’une perfection achevée. Mais elles ne sont pas les seules, car il en est de même pour  des fragments de poèmes didactiques, épiques, dramatiques même, mais aussi des hymnes et des odes, sans oublier des pièces d’un caractère plus intime ou encore des élégies et des épîtres. Enfin il y faut  ajouter, avec des notes ou fragments en prose dont la plupart sont encore inédits, un ouvrage plus satirique que didactique, la Perfection des arts (publié en 1900).

    Fils du dix-huitième siècle et, comme les plus distingués de ses contemporains, brûlant de la passion de la science et de la liberté, André Chénier, par ce qu’il y a d’antique dans son art et dans son inspiration, fait en même temps songer à ces enthousiastes disciples des Grecs, à ces poètes savants du seizième siècle, comme Ronsard, du Bellay et Baïf. Mais sa poésie si colorée est en même temps si sincère, sa versification  pittoresque, expressive, est si originale et souvent si heureuse, que les poètes du dix-neuvième siècle n’ont pas eu tort de le regarder comme un véritable précurseur. Dommage qu’un tel talent ait été décapité par la Révolution, car la littérature et la poésie auraient encore été davantage irriguées de son génie.

    Michel Escatafal 

  • Delille, poète de grand talent mais non reconnu par la postérité

    littérature,histoireEnfant naturel né le 22 juin 1738 à Aigueperse, chef lieu de canton du département du Puy-de-Dôme, mort aveugle à Paris le 2 mai 1813, Jacques Delille publia en 1769 une traduction des Georgiques de Virgile qui le fit, du premier coup, considérer comme un poète du plus grand talent. Elu à l’Académie française en 1774, le poème des Jardins (1782) ajouta encore à sa réputation. Ensuite il s’exila après le 9 thermidor et composa en Suisse l’Homme des champs (1800), la Pitié (1803) en Allemagne. Rentré en France en 1802, il composa l’Imagination (1806), Les Trois Règnes de la nature (1809) et La Conversation (1812), se plaçant tout à fait à la tête de cette école de poètes descriptifs, qui fut si florissante dans la dernière partie du dix-huitième siècle et les premières années du dix-neuvième.

    Delille jouit auprès de ses contemporains d’une faveur extraordinaire. La postérité au contraire a été sévère pour ce poète à l’esprit élégant et facile, qui n’a jamais su ni voulu peindre la nature dans sa vérité, et pour qui la poésie descriptive semble n’avoir été que l’art des ingénieuses périphrases. Ses poèmes se composent tous d’ailleurs d’une suite de tableaux tracés d’après des procédés toujours identiques, et reliés entre eux  par une trame assez lâche. On trouve cependant dans ces mêmes œuvres quelques passages qui sont dignes d’un vrai poète, et dont la versification même n’est pas sans originalité. Delille a encore laissé une traduction en vers de l’Enéide de Virgile, ainsi que du  Paradis perdu de Milton (1608-1674), aveugle comme lui, et de l’Essai sur l’homme de Pope (1688-1744). Son œuvre a été publiée par Tissot (1768-1854), un ami du poète  et son suppléant, puis son successeur dans la chaire de poésie latine du Collège de France.

    Michel Escatafal