Jean-Jacques Rousseau, né à Genève le 28 juin 1712, et mort à Ermenonville le 2 juillet 1778, connut une jeunesse errante. Il s’essaya à bien des métiers divers, ce qui représentait pour lui autant de contacts douloureux avec la société, mais ne réussit jamais à se faire connaître du public. Et c’est seulement à l’âge de trente huit ans, malgré la protection de personnages illustres ou puissants, qu’il conquit tout d’un coup la célébrité, en publiant un Discours paradoxal et brillant sur cette question proposée par l’Académie de Dijon : Si le rétablissement des sciences et des lettres a contribué à corrompre ou à épurer les mœurs.
En 1755, la publication du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes montra que Rousseau était résolu à continuer contre la civilisation la lutte qu’il avait entreprise dans son premier ouvrage. La Lettre à d’Alembert sur les spectacles (1758), le traité Du Contrat social (1762), le célèbre livre Emile ou de l’Education (1762), ces ouvrages, si différents entre eux par le sujet, sont tous également fondés sur cette opposition que Rousseau ne cesse d’établir entre l’état de nature et l’état de société.
Le premier de ces livres renouvelle, avec une éloquence moins majestueuse et moins simple, mais plus pressante peut-être et plus variée, et où les arguments familiers et touchants ont pris la place des discussions théologiques, l’attaque passionnée que Bossuet lançait autrefois contre le théâtre. Dans le Contrat social Rousseau essaie de retrouver la convention tacite qui, selon lui, a dû présider à la formation de la société, et de déduire de cette première conception les principes sur lesquels la société devrait logiquement être fondée. Dans l’Emile enfin, l’auteur propose un plan d’éducation suivant lequel l’élève, dont on a grand soin d’écarter toutes les idées factices que l’éducation ordinaire impose à ceux qu’elle façonne, n’est instruit que par la nature. C’est seulement par elle qu’il apprend ce qui est nécessaire, quand il n’est encore sensible qu’à la nécessité, à la contrainte matérielle, puis ce qui est utile, quand le développement de son esprit lui permet déjà de discerner son intérêt, et en dernier lieu, ce qui est bien, quand les passions sont nées chez lui ou sur le point de naître.
Cependant Rousseau ne voit pas seulement dans la nature un guide, mais un refuge contre les amertumes de cette vie de société dont il déteste les préjugés et les conventions. Il l’aime d’un amour ardent et exclusif, et l’expression de cet amour remplit son œuvre : c’est cet amour qui lui inspire quelques-uns des plus beaux passages de son roman de Julie ou la Nouvelle Héloïse (1760) et les pages les plus parfaites et les plus touchantes de ces Rêveries du promeneur solidaire qui forment comme un délicieux appendice à ses trop hardies Confessions.
Il est difficile ici de discuter les théories politiques, philosophiques, religieuses, morales et pédagogiques de Rousseau. Mais, sans vouloir exagérer l’importance de son rôle dans l’histoire de la littérature française, nous dirons qu’il fut profondément différent des écrivains de l’école philosophique. Il rendit à notre prose l’ampleur oratoire qu’elle semblait avoir perdue, et nul ne le surpasse pour l’agilité de la dialectique et l’âpre concision du trait. Surtout il fut le premier à traduire dans un langage d’une harmonie merveilleusement appropriée, ces vagues et mélancoliques rêveries que la contemplation solitaire de la nature inspirait naturellement à son âme orgueilleuse et blessée, et où tant d’autres, plus tard, devaient à son exemple se complaire.
Michel Escatafal
Jean-Louis Leclerc de Buffon est né le 7 septembre 1707 à Montbard (Côte d’Or) et mort à Paris le 16 avril 1788. Dés 1739, après avoir publié d’importants travaux, il entrait à l’Académie des Sciences et était nommé intendant du Jardin du roi (aujourd’hui Jardin des plantes). C’est alors qu’il conçut le plan de son Histoire naturelle, dont les trois premiers volumes consacrés à la Théorie de la terre, et les douze suivants, qui contiennent l’histoire naturelle de l’homme et des quadrupèdes vivipares, parurent de 1749 à 1767. Puis vinrent neuf volumes consacrés aux oiseaux, cinq aux minéraux et enfin sept volumes de suppléments, dont la publication ne fut achevée qu’après sa mort, et dont le cinquième, les Epoques de la nature,
Née le 25 septembre 1697 au château de Chamrond (Saône-et-Loire), morte le 23 aout 1780 à Paris, Marie de Vichy-Chamrond, devenue par son mariage (1718) marquise du Deffand, sut, même après être devenue aveugle (1753), rassembler dans son salon les personnages les plus illustres de son temps. Elle a laissé des Lettres fort nombreuses adressées à Voltaire, d’Alembert, Montesquieu, le président Hénault (1685-1770) dont elle fut la maîtresse, membre de l’Académie française qui publia un célèbre Abrégé de l’Histoire de France (1744), Horace Walpole (1717-1797), fils du ministre anglais Robert Walpole, apprécié pour sa finesse d’esprit et lui-même auteur d’une correspondance célèbre,