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Madame du Deffand ou l'excellence dans le genre épistolaire

Mme du Deffand.pngNée le 25 septembre 1697 au château de Chamrond (Saône-et-Loire), morte le 23 aout 1780 à Paris, Marie de Vichy-Chamrond, devenue par son mariage (1718) marquise du Deffand, sut, même après être devenue aveugle (1753), rassembler dans son salon les personnages les plus illustres de son temps. Elle a laissé des Lettres fort nombreuses adressées à Voltaire, d’Alembert, Montesquieu, le président Hénault (1685-1770) dont elle fut la maîtresse, membre de l’Académie française qui publia un célèbre Abrégé de l’Histoire de France (1744), Horace Walpole (1717-1797), fils du ministre anglais Robert Walpole, apprécié pour sa finesse d’esprit et lui-même auteur d’une correspondance célèbre,  la duchesse du Maine, la duchesse de Choiseul et bien d’autres encore.

A propos du reproche que lui ont fait certains de ses contempteurs, il est quand même à noter que Madame du Deffand parle trop souvent de Madame de Sévigné pour qu’on puisse croire que la préoccupation de rivaliser avec cette femme célèbre ait été tout à fait absente de son esprit. En fait, elle a certainement été, après elle, la femme de France qui a le mieux justifié l’éloge singulier que La Bruyère a donné aux femmes, d’exceller dans le genre épistolaire. Il est vrai que chez elle le récit et la discussion, les jugements et les portraits sont d’une aisance et d’une vivacité remarquables. En outre, non seulement son style  est à la fois très sobre, très pur et très pittoresque, mais rien n’est plus attachant que de suivre, à travers tant de lettres, le développement du caractère de cette pauvre femme  infirme, sans foi religieuse, et sans confiance dans les sentiments affectueux des hommes. En fait, elle dut attendre la vieillesse pour connaître les douceurs de l’amitié, ne les goûtant même pas alors sans mélange, et fut toute sa vie, et de plus en plus, en proie à l’ennui, ce mal affreux et dévorant dont elle parle elle-même si souvent et si amèrement.

Dans les Lettres  à Walpole, il y a celle sur Montaigne avec cette phrase : « Le je et le moi  sont  à chaque ligne : mais quelles sont les connaissances qu’on peut avoir, si ce n’est pas le je et le moi ? Allez, allez mon tuteur, c’est le seul bon philosophe et le seul bon métaphysicien qu’il y ait jamais eu ». A noter que « le tuteur » est le nom que donne Madame du Deffand par plaisanterie à Horace Walpole, bien plus jeune qu’elle, comme elle appelait « grand-maman »  la  jeune duchesse de Choiseul (1736-1801). Cette dernière, pleine d’esprit, de bon sens et de bonté, fut considérée comme « un ange » par la société de son temps. Bien qu’elle fût beaucoup plus jeune qu’elle, Madame du Deffand l’appelait effectivement sa grand-maman, signe qu’elle faisait grand cas de sa sagesse. Dans une autre des Lettres à Walpole sur l’ennui, elle parle de « ma chère compagne la Sanadona ». Mademoiselle Sanadon était sa dame de compagnie, parente du savant jésuite Sanadon (1676-1733), auteur d’élégantes œuvres latines.

Dans les Lettres à Voltaire, elle s’adresse à lui en  écrivant : « Je vous en demande très humblement pardon, mais je vous trouve un peu injuste sur Corneille ». Cette lettre datée du 18 juillet 1764 a été écrite alors que Voltaire  venait de publier ses Commentaires sur Corneille, dans lesquels, en dépit de la justesse de certaines critiques et de certains aperçus, on a pu relever un trop grand nombre d’observations minutieuses  à l’excès, mesquines et souvent injustes. Cependant Madame du Deffand n’a jamais caché avoir plus d’admiration pour Racine que pour Corneille. En effet, pour elle, « le style de Racine est enchanteur et continument admirable. Corneille en revanche n’a « que des éclairs, mais qui enlèvent et qui font que, malgré l’énormité de ses défauts, on a pour lui du respect, de la vénération ».

Un dernier mot enfin, pour noter que  dans sa Correspondance inédite, il y a une lettre du 16 juillet 1769, adressée à Voltaire, alors à Ferney, qui confirme que Madame du Deffand conserva toute sa vie un goût très vif pour la musique de l’école française, dont les deux grands maîtres étaient Lulli et Rameau. En revanche elle avait des préventions exagérées contre les productions plus savantes de l’école italienne et aussi, quand ils commencèrent à être connus en France (1774), contre les opéras de Gluck.

Michel Escatafal

 

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