C’est dans le pays des antiques vertus, la Sabine (au nord-est de Rome) , que naquit Salluste, mais l’air natal n’eut guère d’influence sur sa conduite. Peut-être quitta-t-il trop tôt Amiterne, son lieu de naissance, pour aller à Rome, ville de tous les excès à son époque. Appartenant à une famille obscure jusqu’à lui, mais riche certainement, il avait à peine achevé son éducation littéraire qu’il se jeta dans la vie politique et débuta au barreau. Nous étions à l’heure où la conspiration de Catilina (63 av. J.C.) se préparait. Et Salluste avait assez peu de scrupules pour vouloir y jouer un rôle, même si son autorité était encore insuffisante pour y tenir une place importante. Toutefois son orgueil, et plus encore son ambition, l’empêchèrent à ce moment de se compromettre. Cependant il avait assez vu les hommes et assez vécu de la vie politique pour que sa curiosité fût attisée. S’étant mis à l’écart pour un moment, il résolut alors de se donner à l’histoire, et pria son maître l’Athénien Ateius Praetextatus (vers 100- vers 30 av. J.C.) de faire pour lui un sommaire de l’histoire romaine, où il se réserverait de choisir l’époque la plus capable de l’intéresser.
Cette retraite ne dura guère, car le parti populaire venait de remporter un triomphe en exilant Cicéron. Clodius est alors tout puissant, et Salluste étant ami avec lui, ce dernier arrive d’abord à la questure, puis au tribunat. Sur le plan politique, les partis ne cherchent même plus à se disputer le pouvoir, mais essaient de se l’arracher. Ainsi la faction des nobles décida de se débarrasser de Clodius (92 – 52 av. J.C.) en le faisant assassiner par Milon, épisode bien connu de l’histoire de Rome. Salluste pour sa part se mit à la tête de la populace qui réclamait vengeance pour le meurtre de son chef, et c’est lui qui guida « les furieux » qui incendièrent deux temples pour en faire un bûcher à Clodius. Malgré ces violences du parti démocratique, ou à cause d’elles, l’aristocratie prit le dessus et Salluste allait en subir les conséquences.
La vie privée de Salluste fut loin d’être exempte de reproches, notamment en raison des dettes considérables qu’il fit un peu partout, ce qui le contraignit à vendre la maison de son père, lequel en mourut de chagrin. Ce fut là un prétexte idéal pour l’accabler, et le censeur Appius Claudius le raya de la liste sénatoriale et lui infligea la note d’infamie. On ne plaisantait pas à l’époque ! Reste une question qui n’a jamais eu vraiment de réponse : Salluste profita-t-il de ses loisirs forcés pour écrire sa Conspiration de Catilina ? C’est très peu vraisemblable, dans la mesure où cet ouvrage est généralement daté de 42 avant J. C. En outre Salluste, en fin observateur de la vie politique, savait tout le parti qu’il pouvait tirer de ses relations avec César, et se mêlait trop aux intrigues du futur dictateur pour pouvoir se livrer à cette étude.
En tout cas, dès que César eut franchi le Rubicon (11 janvier 49 av. J.C.), Salluste se tint prêt à se faire payer ses services. César lui rendit ainsi son titre de questeur, et lorsqu’il décida d’écraser en Afrique les restes du parti pompéien, il confia à Salluste le commandement de la dixième légion. Mais les choses ne se passèrent pas comme prévu, car les soldats lassés de guerroyer se mutinèrent et refusèrent de s’embarquer, contraignant leur nouveau chef à s’enfuir. Ils revinrent en désordre à Rome, où César d’un mot méprisant (il les traita de bourgeois) les fit rentrer dans le devoir. Mais ce ne fut qu’un contretemps pour Salluste qui, par ailleurs, n’avait pas ménagé ses efforts pour faire rentrer les insurgés dans le rang. Il passa donc finalement en Afrique avec César, se rendit utile en ravitaillant l’armée par un habile coup de main sur l’île de Cercina (aujourd’hui îles Kerkennah), et après la victoire définitive, obtint le proconsulat de la riche province de Numidie où, non content de vivre dans un luxe ostentatoire, il récupéra d’immenses richesses, dépouilles de ses administrés.
Quand Salluste revint à Rome ces richesses firent scandale, malgré l’appui de César. On le dénonça comme le nouveau Verrès, ancien gouverneur de Sicile contre qui Cicéron remporta un procès pour avoir pillé la province (70 av. J.C.), fut accusé de concussion et ne fut sauvé d’une condamnation que grâce à l’influence du tout-puissant dictateur. Cependant il eut l’intelligence de comprendre qu’il n’était pas acquitté par l’opinion publique, et il rentra définitivement dans la vie privée, exemple qui devrait être suivi beaucoup plus souvent.
A partir de ce moment et jusqu’à sa mort, Salluste se consacra à ses travaux historiques dans la somptueuse villa entourée de jardins qu’il s’était fait construire sur le Mont Quirinal, laquelle renfermait un nombre considérable de chefs d’œuvre de l’art antique. Sa première composition historique fut la célèbre Conjuration de Catilina. Il commença sans doute l’Histoire de la guerre de Jugurtha pendant son gouvernement de Numidie, mais il ne fait aucun doute qu’il l’acheva dans les dernières années de son existence. A cette même époque il écrivit une Histoire romaine, dont il ne nous reste que des fragments, et qui comprenait le récit des évènements écoulés depuis la mort de Sylla (138-78 av. J.C.) jusqu’aux débuts de Catilina comme propréteur en Afrique (66 av. J.C.). Cela explique pourquoi l’œuvre de Salluste forme une sorte d’histoire contemporaine, d’autant qu’on lui a attribué en outre deux lettres à César, dans lesquelles est tracé un programme de la dictature, mais aussi une Invective contre Cicéron, morceau déclamatoire de qualité, mais dont on est certain qu’elle n’est pas de lui. On ne prête qu’aux riches !
Michel Escatafal
Commentaires
Je vous complimente pour votre exercice. c'est un vrai œuvre d'écriture. Continuez .
Je vous applaudis pour votre exercice. c'est un vrai exercice d'écriture. Continuez .