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C'est admirable, donc c'est de Lope de Vega !

Lope de Vega.jpgParmi la galaxie brillante des poètes du Siècle d’Or, il y en a un qui a une place à part, Lope Felix de Vega Carpio (1562-1635), à la fois le plus doué et le plus fécond de tous.  Véritablement génial, doué d’une inspiration inépuisable, admiré par tous pour son style à la fois souple, varié et d’une extrême élégance, Lope de Vega représente la plus parfaite expression de l’art de la versification. Né à Madrid dans une famille d’artisans brodeurs, Lope de Vega a fait montre très tôt d’une précocité extraordinaire. En effet, on dit qu’il a écrit sa première comédie, El verdadero amante (le véritable amant en français), à l’âge de 13 ans.  A partir de là, il allait avoir la vie la plus colorée et la plus passionnée qui se puisse imaginer.

Après avoir étudié à Alcala, certains évènements de sa vie l’obligèrent à partir pour Valence. Ensuite  il se maria une première fois, puis s’embarqua dans « l’invincible Armada »  où il écrivit des vers par milliers.  Plus tard il reviendra de nouveau à Valence et ensuite à Madrid (1589-1595), ville dans laquelle il collectionne les aventures et se marie pour la deuxième fois. Avec sa nouvelle femme et le fils qu’elle lui donnera  il vivra successivement à Séville, Tolède et Madrid, où celle-ci (1628) et son fils (1634)  mourront. Cette double épreuve le fera entrer dans les ordres (1615) et lui fera écrire ses Rimas divinas (Rimes sacrées).

En fait il ne cessera jamais d’écrire jusqu’à sa mort en 1635, méritant pour son immense production les surnoms de « Monstruo de la Naturaleza »  (monstre de la nature) et « Fénix de los Ingenios » (phénix des génies). Dans cette œuvre énorme, on retient quelques centaines de belles poésies lyriques qui le situent à la hauteur de Fray Luis de Leon, diverses épopées religieuses (San Isidro Labrador, Los Pastores de Belén), historiques (La Dragontea,  Corona Tragica), romanesque (La Jerusalem conquistada, La hermosura de Angelica), antiques (La Filomena,La Andromeda) ou burlesques ( La Gatomaquia), sans oublier ses fameuses comédies écrites avec des vers d’une pureté et d’une beauté extraordinaires.  Mais plus encore que tous ces chefs d’œuvre, Lope de Vega a surtout été le seul grand auteur de son temps à s’être illustré dans tous les genres de la littérature, la poésie, le roman, la critique littéraire, le genre épistolaire et bien évidemment le théâtre.

Cet extraordinaire écrivain n’avait évidemment pas que des amis, par exemple Gongora qui lui reprochait un style fait d’une aisance insolente et de trop de simplicité. Mais même ses détracteurs reconnaissaient son génie et son côté novateur.  A ce propos son poème didactique, l’Arte nuevo de hacer comedias en este tiempo (1609) est,  malgré une humilité feinte, le manifeste de la nouvelle école du théâtre. Ecrivain d’une stupéfiante fécondité, comme je l’ai souligné précédemment, il put malgré une existence à la fois trouble et aventureuse, mélangeant l’étourdissement des passions et les sentiments les plus tendres, mais aussi les délires galants, écrire plus de deux mille comédies en vers, dont quatre cents seulement sont parvenues jusqu’à nous. A noter également que même si nombre d’entre elles ont été écrites « à la va-vite », en vingt-quatre heures ou parfois en une seule nuit,  sans aucune réelle attention sur la forme, toutes laissent apparaître des vers d’une admirable poésie, et beaucoup sont de purs chefs d’œuvre.

Le domaine privilégié de Lope de Vega est la comédie historique, tirée de l’histoire ou des légendes (le plus souvent espagnoles). Parmi celles-ci il faut ressortir Peribanez y el Comendador de Ocana, Fuente ovejuna, La Estrella de Sevilla, El mejor alcalde el Rey, El caballero de Olmedo. Mais la plus typique de son art est la comédie de cape et d’épée, c’est-à-dire des coutumes et du cadre de vie espagnols de son époque (El perro del hortelano, El acero de Madrid, la Noche toledana etc.). La facilité de Lope de Vega et son inventivité sont proprement prodigieuses, qui n’ont d’égale que l’infaillible sûreté de son instinct du théâtre. Même s’il n’a pas inventé la comédie, il lui donna sa forme définitive et « la légalisa » si j’ose dire avec son génie.  C’est pour cela que l’admiration de ses compatriotes confine à l’idolâtrie, ces derniers  allant jusqu’à dire : « c’est admirable donc c’est de Lope ». D’une autre manière on parlera aussi « d’un théâtre avant lui et d’un théâtre après lui ».

Michel Escatafal

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