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Le théâtre au Siècle d’Or en Espagne

Le théâtre est le plus populaire des genres littéraires dans sa forme achevée, la comédie, avec des auteurs aussi remarquables que Lope de Vega et Calderon de la Barca, dignes émules d’un Shakespeare, mais aussi de beaucoup d’autres qu’il serait fastidieux de nommer. La comédie à l’époque pourrait presque se comparer avec le cinéma de nos jours. Etant à la fois un art et un commerce,  elle a  pour fin essentielle de plaire au public, nous pourrions même ajouter au peuple, lequel paie pour être présent au spectacle, ce qui était résumé par la formule : « La meilleure manière d’écrire des comédies est de faire ce qu’il faut pour plaire au public, c'est-à-dire correspondre à ses désirs, à ce qu’il sait, à sa façon d’imaginer le monde ».

L’opinion des seigneurs ou des rois n’est pas très importante dans le théâtre espagnol du Siècle d’Or, et en cela la comédie espagnole diffère de la tragédie française. Avec le grand  nombre de ses épisodes et son action à la vue du public,  ce mélodrame ne se préoccupe pas beaucoup d’analyse psychologique. Avant tout le théâtre a besoin d’une absolue liberté, repoussant règles et unité. « Quand je dois écrire une comédie je range les préceptes avec six clés » affirme Lope de Vega dans son Art nouveau d’écrire des comédies dans ce temps.

On repousse l’unité de lieu. On transfère sans effort  le spectateur de Madrid, à Séville ou à Rome, du palais à la prison ou dans la rue grâce à l’absence de décorations qui sont remplacées par quelque objet symbolique, apporté par un domestique que l’on suppose invisible : Un fauteuil ? Nous sommes dans un palais. Un pot de fleurs ? Allons pour un jardin, etc. (mode de fonctionnement adopté en France il y a quelques décennies  par les compagnies de théâtre, le T.N.P., J.L. Barrault etc.).

Il n’y a pas d’unité de temps non plus. Cervantes, traduit par Boileau, disait que le héros de certaines comédies « est dans le premier acte un enfant dans ses langes, dans le second déjà un homme portant la barbe, et dans le troisième marche avec trois pieds », ce qui signifie marcher avec une canne.  Et il n’y a pas davantage d’unité de d’action.  Le personnage doit se transformer en double ou en triple pour conserver un caractère comique, par exemple dans le cas des amourettes des jeunes premiers pour les « gracieuses ». On embrouille soigneusement une intrigue romanesque, qui abonde d’incidents de toutes sortes, de surprises, de péripéties et de quiproquos.

Enfin la comédie  évite l’unité de ton. On passe sans transition, de même que dans le théâtre shakespearien, du tragique au burlesque, de la poésie la plus délicate au réalisme le plus comique. Toujours écrite en vers, la comédie se déroule sur trois journées, parfois même sur cinq à l’intérieur desquelles on ne distingue aucune division comparable aux scènes françaises.  L’évolution de l’action est indiquée par le changement de versification. Les mètres de la comédie sont aussi variés que ceux des autres éléments. Le romance (vers d’octosyllabes avec rimes assonantes), les petites rondes (strophes de quatre vers), les décimes  ou redondillas (strophes de dix vers) et le sonnet sont les plus utilisés. Tant de variété confère à la comédie un charme évident, et surtout lui donne à la fois flexibilité et aisance.

Nous pourrions aussi parler des formes, avec des comédies multiformes que l’on peut classer de diverses manières, à savoir comédies de saints (biographies) et de légendes dévotes,  comédies historiques, romanesques, fantastiques,  d’intrigues, de cape et d’épée, ou de costumes etc. Les ressorts de tout cela sont surtout l’amour, considéré par les poètes ibériques comme l’élan vital de la jeunesse,  et l’honneur, tellement important en Espagne et pas seulement au Siècle d’Or. Pour parler comme aujourd’hui, je dirais que l’honneur fait partie intégrante de l’identité nationale espagnole. L’honneur c’est l’opinion ou la réputation dont chacun d’entre nous peut jouir. L’un et l’autre, sources d’attitudes élégantes et d’actions audacieuses, ont donné  leur forme à ce théâtre si jeune et passionné, lui conférant une grande valeur poétique et sociale.

 

Parmi les plus illustres auteurs dramatiques du Siècle d’Or, il faut citer le premier en date, Lope de Rueda (1510-15656), génie et auteur à la fois, ce qui veut dire qu’il écrivit des comédies tout en dirigeant une compagnie, un peu comme le poète Hardy chez  nous. Il fut celui qui sortit le théâtre des palais pour le mettre à la portée du public. A ce titre il reçut les éloges de Cervantes qui l’avait vu jouer personnellement. Ensuite il y eut Juan de la Cueva (1543-1610), sévillan, qui orienta le théâtre vers les sujets nationaux, mais en les romançant dans ses représentations. Il contribua à diversifier les mètres. D’abord marqué par l’influence de Pétrarque, il introduisit très vite des thèmes tirés du « Romancero », mais aussi de l’histoire contemporaine (El saco de Roma y muerte de Borbon)

 

A Valence, important centre de production dramatique, « l’académie des nocturnes » regroupe de nombreux génies ou considérés comme tels. Le plus connu d’entre eux, Guillen de Castro (1569-1631), composa une cinquantaine de comédies. Son œuvre la plus fameuse, Las  Mocedades del Cid, qui servit de modèle à Corneille, est un ingénieux tissu de romances traditionnelles. A Madrid, Cervantes, après quelques essais dramatiques de forme assez classique, notamment la tragédie de Numancia,  mais aussi les comédies El Trato de Argel y Los banos de Argel, pleines de souvenirs de sa captivité, et les enchanteurs Entremeses (en français intermèdes) comme El retablo de las Maravillas, La Cueva de Salamanca, El juez de los divorcios, etc., se retira avant  l’écrasant succès  de celui à qui l’on avait donné comme surnom  le « phénix des génies », Lope Félix de Vega Carpio.

 

Michel Escatafal

 

Commentaires

  • Je vous félicite pour votre recherche. c'est un vrai travail d'écriture. Développez .

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