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Paul de Gondi, un polémiste de grand talent

de Retz.jpgNé en 1613, mort en 1679, Jean-François-Paul de Gondi, qui devint plus tard cardinal de Retz fut, fort jeune encore, nommé coadjuteur de l’archevêque de Paris, son oncle. Désireux d’arriver au gouvernement de l’Etat et aux grandes dignités par tous les moyens, il passa la plus grande partie de sa vie à conspirer. Tout d’abord contre Richelieu en 1636, puis ensuite contre Mazarin (1648),  jouant pendant la Fronde (1648-1653) un rôle prépondérant s’alliant à la Reine contre Condé (1650), et après bien des aventures, bien des succès et beaucoup de revers, il passa ses dernières années dans la retraite après avoir été emprisonné, puis exilé en Italie et en Flandres.

C’est alors qu’il écrivit ses célèbres Mémoires, dans lesquels la vivacité admirable du récit s’allie à un sens plus profond qu’on ne le soupçonne ordinairement de l’histoire et de la politique. Ils sont divisés en trois parties, dont la première n’est qu’une sorte d’introduction (1613-1643). La troisième (1654-1655) pour sa part est inachevée, mais la seconde (1643-1654) est de beaucoup la plus longue et la plus intéressante.

Nous avons encore du cardinal de Retz quelques Sermons, un ouvrage de jeunesse, la Conjuration de Fiesque et, avec différentes pièces, des lettres nombreuses, presque aussi intéressantes pour l’histoire de la langue et de la littérature que pour l’histoire politique de la France à l’époque de la Fronde, même si on peut lui reprocher çà et là quelques inexactitudes de détail qui n’infirment en rien ce qu’il affirme, et ne diminuent pas la force de ses dissertations.

Dans la deuxième partie des Mémoires, j’ai plus particulièrement relevé les Considérations sur l’exercice du pouvoir monarchique en France, où il évoque le pouvoir royal et l’absolutisme, faisant remarquer que l’autorité des rois dans notre pays « n’a jamais été réglée, comme celle des rois d’Angleterre et d’Aragon, par des lois écrites », allusion à la Grande Charte d’Angleterre, signée en 1215 par Jean sans Terre (roi d’Angleterre entre 1199 et 1216), et aux « fueros », antiques privilèges de l’Aragon et des autres provinces du nord de l’Espagne.

Il est également d’un grand intérêt de savoir Comment éclatèrent les troubles de la Fronde, avec une évocation  de la fondation de la république des Provinces-Unies. En effet, dès 1564, le peuple hollandais avait commencé à se soulever contre la domination espagnole. Les cruautés du duc d’Albe, lieutenant du roi d’Espagne Philippe II et gouverneur des Flandres (1567-1573), furent impuissantes à le faire rentrer dans l’obéissance.  En 1579, Guillaume 1er de Nassau, prince d’Orange, fit signer aux sept provinces bataves l’Union d’Utrecht, qui affirmait l’indépendance des Pays-Bas. En 1648 (Traité de Westphalie), l’Espagne dut reconnaître l’existence de la république des Provinces-Unies.  

Comme quoi  les révolutions les plus improbables peuvent changer radicalement de statut, à l’image aux yeux du Cardinal de Retz de ce qui s’est passé au début de la Fronde. C’est pour cela qu’il écrit : « Qui eût dit  trois mois devant la petite pointe des troubles, qu’il en eût pu naître dans un Etat où la maison royale était parfaitement unie, où la cour était esclave du ministre, où les provinces et la capitale lui étaient soumises, où les armées étaient victorieuses, où les compagnies paraissaient de tout point impuissantes ; qui l’eût dit eût passé pour un insensé ».

Enfin  comment ne pas citer les inévitables portraits (dix-sept en tout), tellement à la mode dans les salons et les romans de l’époque, par exemple ceux de la reine Anne d’Autriche et de Gaston d’Orléans (frère de Louis XIII et oncle de Louis XIV). Ainsi on découvre qu’Anne d’Autriche « avait plus que personne…de cette sorte d’esprit qui lui était nécessaire pour ne pas paraître sotte à ceux qui ne la connaissaient pas ». Quant au duc d’Orléans, « il avait, à l’exception du courage, tout ce qui était nécessaire à un honnête homme ; mais comme il n’avait rien, sans exception, de tout ce qui peut distinguer un grand homme, il ne trouvait rien dans lui-même qui  pût ni suppléer, ni même soutenir sa faiblesse ».

Avec une telle description de deux personnages aussi importants, on comprend parfaitement que cela n’ait pas arrangé sa réputation. Ses ennemis, au demeurant très nombreux, seront d’ailleurs très sévères avec lui, ne lui trouvant que peu de qualités et beaucoup de défauts. Pour La Rochefoucauld, « sa pente naturelle est l’oisiveté », et « son imagination lui fournit plus que sa mémoire ». Il n’empêche, Paul de Gondi, nous laisse une œuvre agréable à lire, et restera dans notre littérature comme un polémiste et un pamphlétaire de grand talent.

Michel Escatafal

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