Des diverses formes de l’art dramatique à Rome, la comédie est celle qui a été la mieux étudiée grâce à deux poètes, Plaute et Térence, dont nous possédons des œuvres entières. Aujourd’hui nous allons parler de Plaute qui a certainement été parmi les plus grands comiques de l’Antiquité. Il naquit en Ombrie, à Sassina, vers le milieu du 3è siècle avant notre ère. Après avoir gagné quelque argent à Rome en se chargeant de construire les installations pour les jeux scéniques, il se ruina en investissant dans le commerce maritime. Pour vivre il fut contraint de louer ses bras à un meunier, mais comme cela n’était pas très gratifiant il décida de nouveau de revenir vers le théâtre, mais en composant des comédies. Et ce fut le succès. Aujourd’hui il nous reste une vingtaine de pièces considérées comme authentiques par son commentateur Varron, sur les 130 qui lui furent attribuées.
Le fond des pièces est toujours emprunté à la Grèce, et les intrigues reposent toujours sur des faits anecdotiques. De toute façon il ne pouvait que faire des emprunts à la Grèce parce que la loi lui interdisait d’évoquer la vie politique des Romains, pas plus que la vie privée des citoyens romains. Voilà pourquoi, dans toutes ses pièces, l’action se déroule à Athènes avec des personnages portant le manteau grec et non la toge romaine. Cela ne l’a pas empêché toutefois de passer pour un observateur sincère de la vie de son temps et de son pays. Malgré tout il reste dans l’imitation des Grecs, parfois même en faisant de la traduction pure et simple, sans s'interdire toutefois de retrancher des détails, de changer les caractères, voire même de modifier complètement la fin de l’intrigue quitte à interrompre la pièce.
Son but était de plaire à son public, et ce public il le connaissait bien ne serait-ce que par ses activités antérieures. Il était essentiellement composé de plébéiens, échappés du travail des champs et essayant d’oublier les dettes qu’ils avaient à rembourser. Devant eux se trouvaient quelques patriciens férus de culture grecque plus ou moins égarés au milieu de cette multitude. Enfin aux derniers rangs se trouvaient les esclaves attirés autant par les galettes fumantes et le vin frais que par le goût de la comédie. Enfin on n’oubliera pas les femmes, avec leur progéniture et les nourrices, qui étaient là essentiellement pour être vues ou pour discuter entre elles des difficultés de la maison conjugale. Avec pareil public, on conçoit aisément qu’il n’était pas nécessaire d’être très regardant quant à l’intrigue elle-même, dont l’action utilise toutes les ficelles du vaudeville, contrairement à ce qui se passait autrefois sur les gradins du théâtre athénien, où ne se pressaient qu’une foule raffinée et nourris de belles légendes.
Le génie de Plaute aura donc été de faire applaudir ses comédies en se nourrissant des travers de la société romaine à la faveur d’un déguisement étranger. Voilà pourquoi il reste un personnage important dans la lecture de la société romaine de son époque. On voit même avec beaucoup de précision le déclin des anciennes mœurs, le goût de ses contemporains pour le luxe et le plaisir contrastant avec l’austérité des siècles précédents. On n’oubliera pas non plus l’exacerbation de certains défauts comme l’avarice (l’Aulularia ou si l’on préfère en français La Marmite qui est devenu l’Avare chez Molière), la ruse et le mensonge y compris chez les dieux (Amphytrion), la friponerie et l’impudence dans Trinummus (L'Homme aux trois deniers) dont Destouches a pris quelques uns des meilleurs traits dans son Dissipateur, ou encore la fanfaronnade dans Miles gloriusus (Le Soldat fanfaron).
Cependant Plaute ne se veut pas moraliste et n’entend pas davantage interpeller ses spectateurs, et encore moins les corriger. Son but est simplement de faire rire, y compris au besoin par la grossièreté, ce qui fait dire à certains qu’à côté d’inventions joyeuses et irrésistibles, plus d’un passage dans ses pièces n’est que trivial et licencieux. Néanmoins si l’on retranche les gros-mots, tribut payé au bas-peuple de l’époque, il reste un langage comique abondant à souhait et très naturel. Mieux encore, sa langue puisée aux sources populaires nous rend la vieille langue romaine avec toute sa saveur. Pour toutes ces raisons nous comprenons aisément les emprunts de Molière à certaines pièces de Plaute. Après tout l’un et l’autre voulaient plaire au peuple, et chacun à son époque réussit dans son entreprise au-delà de toute espérance.
Michel Escatafal
Commentaires
j'ai trouver sela tres interessant