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  • Ducis, poète qui a su enrichir notre théâtre

    littérature,histoire,poésieJean- François Ducis est né à Versailles, le 14 août 1733 et mort le 31 mars 1816. Secrétaire chez le maréchal de Belle-Isle, il devint ensuite secrétaire du Comte de Provence, frère de Louis XVI et futur Louis XVIII, ce qui lui valut d’être choisi pour  remplacer Voltaire à l’Académie (décembre 1778). Cela ne l’empêcha pas d’être favorable aux idées de la Révolution et d’adhérer par la suite à l’Empire.

    Après avoir donné en spectacle sa première pièce en 1768, au demeurant très médiocre aux yeux des spectateurs, il remporta un grand succès avec sa tragédie d’Hamlet (1769). Ensuite il emprunta encore à Shakespeare le sujet de Roméo et Juliette (1772) et ceux du Roi Lear (1783), de Macbeth (1784), de Jean Sans-Terre (1791), d’Othello (1792).  Sans doute, en les adaptant au goût français, en les modifiant suivant les lois de notre tragédie classique, Ducis a plus d’une fois défiguré les inventions du grand poète anglais, dont il ne connaissait pas la langue.

    On doit cependant lui savoir gré d’avoir habitué le public à admirer ces beautés d’un genre nouveau et d’avoir ainsi contribué à la réformation et à l’enrichissement de notre théâtre. Parmi les autres œuvres de Ducis, il faut signaler son Œdipe chez Admète (1778), tragédie en cinq actes, imitée à la fois de Sophocle et d’Euripide, et sa belle tragédie en quatre actes, Abufar, ou la Famille arabe (1795). 

    Cette pièce originale est riche en vers pleins de mouvement et aussi simples que caractéristiques du talent de Ducis. Ce sera d’ailleurs la seule que retiendra de lui la postérité, en dehors des tragédies empruntées à Shakepeare. Ducis a encore laissé d’aimables poésies et des lettres, où la vertu sans faste et la modestie affable d’une âme naturellement grande et dénuée d’ambition ressortent avec bonheur. 

    Michel Escatafal

  • Chamfort : la perfection dans l’éloge académique, mais pas seulement

    chamfort.pngNé le 6 avril 1741, Nicolas de Chamfort était un enfant trouvé, sans doute le fils d’un chanoine et peut-être adopté par un épicier,  ce qui explique en partie le portrait que l’on a fait de lui à son époque, une époque où la famille de naissance était de la plus haute importance. En fait il ne supporta  jamais son état, ce qui explique à la fois qu’il se soit fait appeler Monsieur de Chamfort, qu’il substitua à Sébastien–Roch, son vrai nom, se créant ainsi une noblesse qu’il n’a jamais eue, et qu’il soit devenu une sorte de misanthrope impitoyable. Sa naissance était tellement un boulet à ses yeux, qu’il répliqua à un personnage d’une authentique noblesse, comme le duc de Créqui, qui s’avisait de lui affirmer qu’un homme d’esprit était l’égal de n’importe qui : « Vous en parlez bien à votre aise, Monsieur le duc, mais supposez qu’au lieu de vous appeler Monsieur le duc de Créqui, vous vous appeliez Monsieur Criquet ; entrez dans un salon, et vous verrez si l’effet sera le même ».

    En tout cas, même s’il est difficile de savoir si son nouveau nom l’a réellement aidé à devenir lecteur de Madame Elisabeth, sœur de Louis XVI, ou encore secrétaire du prince de Condé et protégé de Madame Helvétius, il sut se faire dans les salons du dix-huitième siècle une place prépondérante. En réalité ce premier de la classe, comme nous dirions aujourd'hui, ayant refusé la carrière ecclésiastique auquel on le prédestinait, doit surtout sa réputation à son esprit mordant et accessoirement à ses bons mots (réunis dans un volume en 1800 sous le titre de Chamfortioma). Cela lui valut d’entrer à l’Académie française en juillet 1781, après s’être vu préféré auparavant l’abbé Millot et le comte de Tressan, sans doute par la faute de d’Alembert qui ne l’appréciait guère.

    Ayant adopté les idées révolutionnaires, il fut un des collaborateurs du Mercure, devenant l’ami de Mirabeau au point de lui écrire un pamphlet contre l’Académie. Il regretta d’autant plus ce discours qu’il l’avait aussi publié, ce qui l’obligea à faire acte de repentance pour défendre l’Académie un peu plus tard. Il sera d’ailleurs nommé bibliothécaire de la Bibliothèque nationale en août 1792, à une époque où la célèbre Manon Roland, charmée par son esprit,  l’accueillait dans son salon. Mais cela ne dura pas très longtemps, car peu après il sera emprisonné aux Madelonnettes, anciennement maison de correction pour femmes avant de servir de lieu d’enfermement pour les prisonniers politiques pendant la période entre 1793 et 1794, pour s’être réjoui un peu trop bruyamment de la mort de Marat. Il finit sa vie de manière dramatique le 13 avril 1794, après plusieurs tentatives ratées de suicide par peur  de retourner en prison, peu après que les poursuites à son encontre furent abandonnées.

    Le souvenir qu’il laissera à la postérité sera celui d’un personnage que certains qualifiaient de "méchant", dans toute la force du terme. Il le fut sans doute, mais il ne connut jamais réellement le bonheur malgré ses succès mondains (sa femme avec qui il fut très heureux mourut après à peine cinq mois de mariage), malgré aussi ses amitiés avec quelques uns des puissants de l’époque. Parmi ceux-ci, outre ceux déjà cités il y eut Talleyrand, mais aussi Sieyès à qui il fournit le titre de sa brochure sur le Tiers Etat (Qu’est-ce que le tiers Etat) qui fit sa fortune littéraire et plus encore politique. Finalement il fut avant tout un excellent prosateur, que beaucoup ont comparé à Fontenelle, dont il a l’esprit mais avec plus de goût et de force. Il fut aussi d’une certaine manière comparé à Voltaire comme conteur, le génie en moins.

    Bref, depuis ses premiers textes, notamment une comédie satirique intitulée la Jeune Indienne (1764), jusqu’à ses Maximes et Pensées, caractères et anecdotes, publiées peu après sa mort et de nouveau en 1803, il restera comme un écrivain au style concis, avec des phrases courtes allégées de tout terme inutile, sachant écrire des dialogues vifs où chaque personnage ne dit que l’essentiel, introduisant dans ses récits quelques traits comiques de qualité. En revanche il ne sut jamais s’élever comme poète au-delà d’une certaine médiocrité. Cela ne l'a pas empêché de pénétrer dans l’Eloge de Molière et dans l’Eloge de La Fontaine l’émotion de ces deux merveilleux poètes.

    Michel Escatafal