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Lucain : sa vie, ses œuvres

littérature, histoire

Un des trois fils de Sénèque le Rhéteur (54 av. J.C.-39), M. Annaeus Mela, doué à ce qu’on disait d’autant de talent que ses frères, mais avant tout épris de loisir et de vie facile, quitta Rome, alla remplir à Cordoue les fonctions de procurateur, et y épousa la fille du rhéteur indigène Acilius Lucanus. C’est de cette union que naquit le poète Annaeus Lucanus, Lucain en français (39-65). Amené à Rome dès sa plus tendre enfance, il fut confié à la direction de son oncle Sénèque qui lui donna les meilleurs maîtres du temps. A l’école Lucain se lia avec Perse et lui dut d’être admis dans la maison de Thraséa. Mais lorsqu’il atteignait l’adolescence, Sénèque jouissait de tout son crédit à la cour, ce qui lui permet d’y amener son neveu dont il voulait faire la fortune, et par là, le jeune homme se trouvait jeté dans les milieux les plus opposés et recevait les exemples les plus contraires.

Naturellement ambitieux, épris du désir de briller, il ne tarda guère à devenir un courtisan. Aux jeux quinquennaux, institués par Néron (37-68), il débitait un éloge du prince, dont il gagnait ainsi la faveur, qui l’admettait dans sa cohorte (garde d’honneur) et lui faisait conférer la questure, puis l’augurat. Mais dans un concours poétique où Néron et Lucain avaient pris part, les juges donnèrent le prix au poète, ce qui contraria fortement l’empereur. Ce dépit, Néron (empereur entre 54 et 68) le manifesta tout particulièrement un jour que Lucain lisait en public un des trois premiers livres de sa Pharsale. En effet, irrité des applaudissements de l’auditoire, Néron sortit avant la fin. De là, ce fut une guerre d'épigrammes où Lucain alla jusqu’à l’injure, ce qui lui valut d’être interdit de lire en public, punition raffinée, singulièrement cruelle pour un homme qui s’était enivré de bruit et de succès.

Cette contrainte exaspéra Lucain, et quand la conspiration de Pison se forma (65), il s’y jeta à corps perdu. Plein d’exubérance et de fougue, il prenait volontiers des attitudes de tyrannicide et s’échappait en propos violents, au point d’être déjà fort compromis quand la conspiration fut découverte. Arrêté, il eut peur de la mort et, pour se sauver, dénonça ses complices, et parmi eux sa mère Acilia. Cette hideuse lâcheté fut inutile, et il dut s’ouvrir les veines. Toutefois, il mourut avec un certain courage, car sentant que sa mort était toute proche, il se fit porter dans un bain, et tandis que son sang s’écoulait, récita des vers de son poème, où il avait dépeint les derniers moments d’un soldat. Il n’avait pas encore vingt-sept ans.

Cette jeunesse ne l’empêcha pas d’avoir déjà une œuvre considérable, ayant composé des poésies grecques et, en latin, des Saturnales, des Silves, une tragédie de Médée,etc… Néanmoins, il ne nous reste de lui que sa Pharsale, poème qui comprend dix chants et raconte la guerre civile entre Pompée et César depuis le passage du Rubicon jusqu’au siège que soutint César à Alexandrie. Le dixième chant resta inachevé et il est probable que, dans la pensée du poète, ce ne devait pas être le dernier. Dans son œuvre, en effet, Lucain suivait très exactement les évènements historiques, au point qu’analyser son poème serait faire l’histoire de la guerre civile, ce qui autorise à n’indiquer que les morceaux les plus remarquables…objectif déjà très ambitieux.

C’est d’abord, au premier chant, l’apparition du fantôme de la Patrie qui, sur les bords du Rubicon, somme César de renoncer à ses desseins factieux. C’est aussi le tableau de la terreur qui règne à Rome, à l’approche de celui qui était considéré comme l’usurpateur, et l’énumération des présages qui annoncent les fléaux qui vont se déchaîner sur le monde. Au chant deux, Brutus consulte Caton sur la conduite qu’il doit tenir : s’abstenir ou lutter ? Et dans un langage d’une singulière élévation, Caton lui répond que, malgré l’horreur de la guerre civile, il faut défendre la loi les armes à la main. Au moment où il va porter la guerre en Espagne, César est arrêté par la résistance de Marseille et, pour les ouvrages qu’il fait construire autour de la ville, abat les forêts environnantes. Là d’ailleurs se place une description d’une forêt druidique, dont les traits vigoureux et le coloris sombre étaient une nouveauté dans la poésie latine (livre trois).

Après avoir conté les épisodes de la lutte en Espagne (livre quatre), le poète nous emmène en Epire, à la suite de Pompée, et nous assistons aux adieux du héros et de sa femme Cornélie, à Lesbos. Bien que cette scène soit un peu romanesque et théâtrale, la grandeur n’en est point absente (livre cinq). On est à la veille de la bataille de Pharsale (9 août 1948) avec les armées déjà en présence. Sextus, le plus jeune des deux fils de Pompée, veut connaître par avance le résultat de la lutte et consulte la magicienne Erichto, en Thessalie. C’est l’occasion pour le poète de dépeindre la terre classique des enchantements. Nous pénétrons ensuite dans la caverne de la nécromancienne et nous la voyons ressusciter un cadavre (livre six). Le septième chant, point culminant de l’œuvre, contient les discours de Pompée et de César avant le combat, et se termine par une malédiction contre les guerres civiles,  par des plaintes éloquentes sur la perte de la liberté.

C’est du huitième chant que Corneille a tiré sa tragédie de Pompée : le héros, victime de la trahison de Ptolémée, est tombé sous le poignard d’Achillas et son corps, jeté à la mer, puis ramené sur le rivage, est enseveli par un esclave fidèle nommé Cordus. Le neuvième chant appartient à Caton qui, après avoir pris le commandement de l’armée républicaine, passe en Afrique où il prononce un magnifique éloge de Pompée et, dans ce dur pays,   plein de monstres et de prodiges, donne à ses soldats l’exemple d’une patience et d’un courage invincibles. Il faut signaler enfin, dans le chant dix inachevé et très imparfait, la visite que César fait à Alexandrie au tombeau d’Alexandre ; il y a là une brillante déclamation où Lucain flétrit la fureur des conquêtes et la frénésie du pouvoir.

Michel Escatafal 

Commentaires

  • Je vous vante pour votre article. c'est un vrai œuvre d'écriture. Continuez .

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