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Boileau a jugé ses contemporains comme la postérité devait le faire.

litttérature,poésie,histoireNicolas Boileau Despréaux est né à Paris le 1er novembre 1636 et mort le 13 mars 1711. De 1660 à 1705 il publia douze Satires, dix Epîtres, un  Art poétique en quatre chants (1674), un poème héroï-comique en quatre (1674), puis en six chants (1683), le Lutrin. Ses œuvres comprennent encore, outre des lettres adressées pour la plupart à ses amis Brossette et Racine, quelques poésies diverses, quelques fantaisies en prose, enfin une traduction (1674) du Traité du sublime de Longin, rhéteur grec du troisième siècle de notre ère, qui fut ministre de la reine de Palmyre, Zénobie.  A cela s’ajoutent des Réflexions sur Longin (1693), publiées pour défendre les Anciens contre Perrault (1628-1703) qui, dans son Parallèle des Anciens (ou des Classiques) et des Modernes (1688), avait essayé de rabaisser leur gloire. Enfin on n’oubliera pas qu’il fut nommé historiographe officiel par Louis XIV, avant d’être élu à l’Académie en 1684.

Boileau n’est sans doute remarquable ni par cette exaltation lyrique, ni par cette imagination puissante, ni par cette variété pittoresque de la versification que l’on a voulu de nos jours mettre au-dessus de toutes les autres qualités des poètes. Mais il a tous les mérites que son temps pouvait attendre d’un poète satirique et didactique, à savoir l’ironie modérée, sans malveillance excessive et sans beaucoup d’originalité, la justesse de la pensée, la netteté de la composition, la précision aisée et l’élégance soutenue de l’expression. Bref, c’était un excellent critique littéraire.

On trouve aussi chez lui les sentiments d’un honnête homme,  dont la vie est remplie de beaux traits, et qui fut passionné pour la vertu comme pour la vérité.  On notera aussi son combat,  dès ses débuts, contre les auteurs qui défigurent la nature, en l’ennoblissant outre mesure, en l’affadissant, voire même en la ridiculisant. Ce combat deviendra une doctrine qu’il établit définitivement dans son Art poétique, véritable bulletin de victoire de l’école qui ne veut pas « quitter la nature d’un pas », de l’école de Molière et de Racine. En fait, si l’érudition de Boileau est parfois en défaut, et s’il a eu le tort de mal parler d’anciens auteurs qu’il ne connaissait pas assez, il a, seul peut-être de tous les critiques, le mérite d’avoir jugé ses contemporains comme la postérité devait le faire. Ceux qu’il a exaltés n’ont rien perdu de leur renommée, et ceux qu’il a décriés, appelés les « victimes de Boileau », n’ont jamais franchi les marches de la postérité.

Parmi les Satires que j’ai lues ou relues,  j’ai bien aimé le Repas ridicule (Satire III), où Boileau démontre à merveille l’art de regarder et peindre la réalité. Il sait regarder les objets au repos, et il en fait voir nettement les lignes, les couleurs et la consistance. Accessoirement  j’ai découvert ce qu’était un godiveau, sorte de pâté composé de veau haché et d’andouillettes. J’ignorais aussi que Mayence avait un jambon célèbre, et surtout que cette ville abritait une foire aux jambons très renommée. Enfin, intéressant sur le plan historique, j’ai appris que l’Université de Paris à l’époque du règne de Louis XIV avait quatre facultés, la Faculté des Arts (lettres et sciences), la Faculté de Médecine, celle du Droit et évidemment celle de la théologie.

Dans l’Epître V (Se connaître soi-même) à M. de Guilleragues (1674), on retrouve le Boileau moraliste avec la soif de l’or qui mène le monde, lequel n’a pas beaucoup changé depuis trois cents ans. Dans cette Epître il y a un vers qui interpelle : « L’argent seul au Palais peut faire un magistrat ». Pour mémoire à l’époque on achetait un siège de magistrat comme aujourd’hui une étude de notaire.  Dans l’Epître VII, celle à Racine, peut-être la plus intéressante et la plus admirable, on découvre un Boileau prêt à tout pour défendre le grand poète contre une cabale, dirigée par le duc de Nevers et sa sœur, la duchesse de Bouillon, qui opposa avec succès Phèdre et Hippolyte, la tragédie de Pradon (1632-1698), poète tragique sans grande envergure, à la Phèdre de Racine infiniment supérieure, une des pièces majeures du théâtre français .

Cette affaire connut un grand retentissement au point que Madame Deshoulières (1637-1694), poète connue à l’époque aux convictions de Moderne, avait lancé un sonnet satirique contre la Phèdre de Racine, auquel des amis du poète répondirent par un autre sonnet injurieux pour le Duc de Nevers, protecteur de Pradon. Le duc, dans un troisième sonnet, menaça Racine et Boileau de les punir par des coups de bâton, et le bruit mensonger, recueilli par le poète et ecclésiastique Sanlecque (1652-1714) dans un quatrième sonnet, avait couru que la menace avait été mise à exécution. C’est peut-être à ce bruit calomnieux que Boileau fait allusion dans le vers où il dit : « La calomnie en main quelquefois te poursuit ».

Enfin dans ses Poésies diverses,  nous retiendrons l’Epitaphe d’Arnauld. Cet Arnauld (1612-1694) était un des plus ardents défenseurs des doctrines jansénistes sur la grâce, ce qui lui valut de devoir s’exiler à plusieurs reprises, et d’être enterré secrètement dans l’église Sainte-Catherine à Paris. Cela dit, Arnauld était très célèbre pour l’abondance de son érudition théologique, ce qui plaisait à Boileau, lui-même loin d’être hostile aux doctrines jansénistes et à leurs défenseurs.  Dans cette épitaphe Boileau parle d’Arnauld comme « le plus savant mortel qui jamais ait écrit », au point que « Plein du feu qu’en son cœur souffla l’esprit divin/ Il terrassa Pélage, il foudroya Calvin ».  Ce Pélage était un moine breton du cinquième siècle, qui soutint contre Saint-Augustin la doctrine hérétique de la prédominance du libre arbitre sur la grâce. Quant à l’allusion à Calvin, c’est pour souligner qu’Arnauld a beaucoup écrit contre les protestants.

En résumé, dans ses meilleurs pages Boileau s’affirme comme un poète de grande qualité, ce que la postérité n’a peut-être pas suffisamment souligné, parce qu’il a vécu à l’époque de Corneille, Racine, Molière ou dans un autre genre La Fontaine. Malgré tout il restera dans l’histoire de notre littérature, comme un poète capable d’écrire avec des vers harmonieux qu’il a mis au service de la satire et de la critique littéraire. En outre il fut considéré comme un théoricien du « classicisme », doctrine qui a permis à son époque d’être une période de référence de notre culture. Il aura eu aussi le mérite d’avoir essayé d’imposer un art d’écrire qui aura inspiré nombre de jeunes écrivains.

Enfin on retiendra aussi de lui quelques phrases qui ont toujours fait le bonheur des amoureux de belles lettres, et dont ils doivent toujours s’inspirer. Parmi celles-ci  je citerais : « Rien n’est beau que le vrai : le vrai seul est aimable » (Epîtres).  « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ; Polissez-le sans cesse et repolissez ; Ajoutez quelquefois, et souvent effacez » (L’Art Poétique). « Aimez qu'on vous conseille, et non pas qu'on vous loue » (l’Art Poétique). « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » (l’Art Poétique). « Le plus sage est celui qui ne pense point l'être » (SatireIV). « Avant donc que d’écrire, apprenez à penser » (L’Art Poétique ».

Michel Escatafal

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