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Jean Rotrou, poète aux sentiments généreux

rotrou.jpgNé à Dreux (en 1609) d’une famille de magistrats, Jean Rotrou eut une vie assez échevelée. Avocat sans pratique, il fut en fait un professionnel de l’écriture, vivant du produit de ses pièces. Il n’avait pas 20 ans quand il fit représenter sa première comédie, l’Hypocondriaque, tragi-comédie dont s’inspirera Goethe pour son opérette Lila. Il fit partie de la Compagnie des  cinq auteurs chargés de développer les canevas dramatiques inventés par le cardinal de Richelieu : les quatre autres étaient Corneille, Boisrobert (1592-1662), Claude de l’Estoile (1597-1652) et Guillaume Collet (1598-1659). Rotrou a écrit des comédies, des tragi-comédies, et des tragédies.

Les principales, imitées pour la plupart des poètes antiques ou espagnols, sont : Iphigénie en Aulide, Antigone, tragèdies, les Captifs, les deux Sosies, comédies imitées de Plaute, la Sœur (1645), comédie, le Véritable Saint Genest (1645), Venceslas (1647), tragédies, tout comme Cosroès (1649) qui marque la fin de son évolution vers le classicisme. La mort de Rotrou fut digne des sentiments généreux qui animent un grand nombre de ses personnages : lieutenant particulier du baillage de Dreux, il refusa de quitter la ville quand y éclata une épidémie de fièvre pourprée (1650) et fut lui-même emporté par le fléau.

Parmi les tragédies, j’ai bien apprécié Venceslas et plus particulièrement l’acte V. Cette tragédie fut tirée d’une pièce de Francisco de Roxas, auteur espagnol contemporain, intitulée : Il n’y a pas à être père en étant roi. Le prince Ladislas, d’un caractère généreux mais emporté, a dans un mouvement de colère tué son frère, croyant tuer un seigneur de la cour, le duc de Courlande, qu’il croyait épris de la Comtesse Cassandre, qu’il aimait lui-même. Son père Venceslas, roi de Pologne, désespéré mais obéissant sans faiblesse à son devoir de roi, l’a condamné à mort et se charge de lui annoncer la sentence. On retrouve dans cette scène ce sentiment très cornélien où le devoir prime sur l’amour d’un père à son fils. Toutefois, vaincu par les supplications de la cour et du peuple, Venceslas finira par faire grâce de la vie à son fils. Cependant comme il ne veut pas qu’on puisse dire que le roi de Pologne a faibli et manqué à la justice, il abdique en pardonnant, et remet le trône à Ladislas.

Autre pièce digne d’intérêt, le Véritable Saint-Genest, qui nous replonge dans l’univers romain à l’époque de Dioclétien (245-313), quand l’Empire romain est devenu une tétrarchie. Dans cette tragédie, l’acteur Genest représente avec sa troupe devant l’empereur Dioclétien et la cour une tragédie qui met en scène le martyre du chrétien Adrien. Mais en jouant le rôle d’Adrien, Genest s’est senti lui-même touché de la grâce, et, négligeant son rôle, il a commencé à parler pour lui-même. Ses camarades, étonnés, se troublent et Dioclétien irrité prend alors la parole en exprimant son incompréhension devant le trouble du comédien, lequel jouant son propre rôle s’écrie avec ferveur : « C’est leur Dieu que j’adore ; enfin je suis chrétien », ajoutant un peu plus loin : « Si je l’ai mérité qu’on me mène au martyre : Mon rôle est achevé, je n’ai plus rien à dire ». Consummatum est !

Michel Escatafal

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