Né vers 1540 à Clermont-en-Beauvaisis (département de l’Oise en Picardie), fils de drapier, mort en exil en 1570 à Turin, Jacques Grévin qui fut médecin de Marguerite de Savoie, sœur d’Henri II, passe pour l’un des poètes les plus remarquables de l’école de Ronsard. Ce dernier avait d’ailleurs loué hautement son talent, avant que Grévin, blessé des attaques que Ronsard avait dirigées contre le calvinisme, se fut déclaré son adversaire.
Pour rappel, à la suite de la publication de son Discours des misères de ce temps en 1562, Ronsard avait été violemment attaqué dans une série de poèmes satiriques, dont les auteurs étaient Florent Chrestien, l’un des futurs auteurs de la Ménippée, le ministre La Roche-Chandieu (huguenot français né en 1534 et mort en 1591) célèbre pour l’affaire du mémoire porté à Catherine de Médicis, et Jacques Grévin.
Dans sa courte carrière, et sans abandonner l’étude et la pratique de la médecine avant d’en être rayé de l’ordre pour fait de calvinisme, Grévin publia, outre des poésies diverses parmi lesquelles on remarque un recueil de poésies amoureuses en deux livres, l’Olympe, une tragédie en cinq actes qui rencontra un grand succès, César (1560), inspirée d’une tragédie latine de Muret (1526-1585), traduite diront certains ce qu’a toujours réfuté Grévin, et deux comédies, la Trésorière (1558) et les Esbahis (1560). Les deux comédies par la forme comme par le sujet, rappellent l’Eugène de Jodelle, mais la tragédie de Grévin est bien supérieure à Cléopâtre et Didon de ce même Jodelle. Le style en est à la fois plus soutenu et moins déclamatoire.
A ce propos il est dommage que Grévin mourût aussi jeune, car il écrivit de nombreuses poésies qu’il n’eut pas le temps d’éditer ou d’achever. Compte tenu du talent qu’il avait démontré auparavant la littérature a perdu, sans aucun doute, quelques une de ses plus belles pages. Et s’il en fallait une preuve supplémentaire, il suffit de lire et étudier La Gélodacrye (le rire et les larmes selon l’éthymologie grecque, thème déjà développé par Rabelais), éditée vers 1560, et les Vingt-quatre sonnets romains que l’on date des années 1568-1570.
La Gélodacrye est un recueil satirique de sonnets, proche des Regrets de du Bellay. Quant aux Vingt-quatre sonnets romains, ils se rapprochent des Antiquités de ce même du Bellay. Ces sonnets marquent cruellement le désenchantement d’un humaniste convaincu, devant l’obscurantisme des catholiques de l’époque. Pour mémoire je rappellerais que « la Saint-Barthélémy », nom entré dans l’histoire en raison du massacre organisé des protestants (3000 morts), exécuté sur ordre de Charles IX à l’instigation de Catherine de Médicis et des Guise, eut lieu la nuit du 23 août 1572.
Michel Escatafal
Commentaires
Votre article est bien intéressant, comme d'habitude. Et Jacques Grévin mérite sans nul doute toute notre attention.
Evoquant la Saint-Barthélemy, vous dites qu'elle fut ordonnée par Charles IX à l'instigation de Catherine de Médicis. Etes-vous si sûr que cela que Catherine ait voulu ce massacre, même dans les limites vite dépassées que son initiation supposait ?
Peut-être qu'elle ne voulait pas ce massacre, mais elle n'a rien fait pour empêcher le risque d'en arriver jusque là. Cordialement. M.E.