Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le sommet de la littérature espagnole

don quichotte.jpgL’œuvre maîtresse de la littérature espagnole, Don Quichotte, fut publiée en deux parties (1605 et 1615). La première remporta immédiatement un grand succès. Ensuite un auteur inconnu, sous le pseudonyme de  Avellaneda, publia en 1614 une deuxième partie apocryphe, et c’est pourquoi Cervantes s’employa à faire paraître presqu’aussitôt la seconde partie, authentique, de son immortel roman(1615).  A ce propos, il faut noter  que Cervantes  dans un premier temps ne pensait qu’à  écrire un petit roman, ne se rendant  compte que peu à peu de toute l’importance de son sujet.

Celui-ci, profondément original par la façon dont il est traité, avait en plus un côté à la fois  très espagnol et parfaitement humain. Espagnol surtout par l’évocation admirable de quelques aspects de l’âme du pays, à savoir l’idéalisme et la mégalomanie, mais aussi l’esprit aventureux et le détachement des biens, sans oublier  le fatalisme et l’abandon. Espagnol aussi par les idées et les préjugés de ce temps, par cette admirable peinture de la vie au quotidien dans l’Espagne du 17è siècle, bref par sa valeur sociale et historique.

Pour ce qui concerne la forme, il faut noter plus particulièrement les mots et tournures archaïques qui sont utilisés pour « poser le héros ». La tonalité est celle de l’humour et d’une sympathique ironie. Cervantes montre son attachement profond envers son héros, comme s’il se lamentait avec lui de la décadence et même de la mort des idéaux à la fois ridicules et nobles de la chevalerie errante. Il faut noter aussi le contraste qui existe entre le langage pompeux de Don Quichotte, et les détails plus concrets, plus infimes de sa vie quotidienne (devoir de la maison, administration de la propriété, draps fins etc.).

Le style est facile et dépouillé, mais aussi très suggestif.  Flaubert, qui a toujours avoué une grande admiration pour Cervantes,  ne cessait de dire qu’il était fasciné par l’habileté avec laquelle il évoquait les chemins poussiéreux  de Castille, sans les décrire avec précision. En outre cette œuvre est humaine par sa sereine philosophie, ce conformisme souriant, cette façon d’avoir réuni les contraires, mélange de folie et de simples tocades. Il est d’ailleurs impossible de pondérer l’extrême variété qui ressort du sujet,  celui-ci  étant à la fois réaliste et jovial, joyeux et profond, romancé et plus vrai que nature.

Ce roman a également une envergure surprenante sur le plan psychologique et philosophique. Il regorge d’humour délicat, mais aussi parfois d’optimisme, chacun y trouvant matière à disserter sur les choses de la vie, le tout écrit dans une langue qui est un modèle d’élégante nonchalance. Elle réunit tous les genres, tous les courants de la littérature de l’époque, dans l’ensemble le plus harmonieux qui soit.  Bref par son style inimitable, incomparable, cette œuvre se situe bien au sommet de la littérature espagnole, même s’il arrive qu’on lui trouve, comme toujours, quelques détracteurs.

Ces quelques lignes qui me viennent à l’esprit ne sont pas un résumé, même très succinct, de ce que  contient El ingenioso hidalgo Don Quijote de la Mancha, qui est le vrai titre de l’œuvre de Cervantes. Elles n’en sont même pas une esquisse. En revanche je voudrais faire ressortir quelques précisions à caractère historique. Tout d’abord que signifie réellement le mot hidalgo, entré dans notre langage courant par exemple sous la forme de «  bel hidalgo » ? Si l’on prend la définition de Diderot dans l’Encyclopédie (tome 8), ce mot vient de la contraction en espagnol de « hijo de algo » qui signifie fils de quelque chose au sens élevé du terme, c’est-à-dire noble et par extension gentilhomme.

Autre précision : qui  sont les « grands d’Espagne », qu’il ne faut surtout pas confondre avec les hidalgos qui ne sont que de simples gentilshommes? Réponse, il s’agit de la caste des grandes familles du royaume.  Elle s’est toujours  distinguée par son ambivalence, caractérisée à la fois par sa désinvolture, son sentiment de supériorité, mais aussi par sa générosité. Les « grands d’Espagne » ont connu des fortunes diverses au long des siècles. Combattus et finalement matés par les Rois Catholiques, ils sont ensuite rentrés en grâce avec Charles-Quint.  AU 17è siècle, « les Grands d’Espagne » ont défendu leurs privilèges contre le Comte-duc d’Olivares, ministre de Philippe IV, que ses intérêts andalous font pencher vers le grand négoce et la banque, et qui finira par se retirer.

Au 18è siècle, ils ne participent quasiment pas au grand mouvement de rénovation que suscitent en Espagne les esprits éclairés, ce qui leur enlèvera toute possibilité de jouer un rôle important au 19è siècle. Cette période est aussi celle de la décadence pour  ceux qui ne méritaient plus le titre de « Grands d’Espagne », car ils ne l’étaient plus, leur notoriété ne reposant plus que sur leurs extravagances. Il n’empêche, pour  l’histoire, le noble espagnol sera toujours caractérisé comme un homme certes égoïste, mais aussi  courageux, généreux et ayant le sens de la grandeur pour lui et pour son royaume. Tout le portrait des héros comme on les imagine dans ce beau pays qu’est l’Espagne. Et Don Quichotte en est à coup sûr le modèle idéal, lui qui disait à son écuyer et compagnon d’aventures, Sancho Panza, qu’il était « né pour vivre en mourant ». Quel courage, mais aussi quelle âpre et forte critique de la vie !

Michel Escatafal

Commentaires

  • Vous devriez faire partie d'un concours des plus beaux sites sur le net . Je vais ce site !

Les commentaires sont fermés.