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Finalement Pompignan était quelque chose !

littérature, histoireNé à Montauban le 10 août 1709, mort le 1er novembre 1784 à Pompignan (Tarn-et-Garonne), Jean-Jacques Le Franc de Pompignan, honnête homme et chrétien sincère, eut le grand malheur d’avoir Voltaire pour adversaire, et le tort de prêter le flanc à la critique par sa vanité et sa présomption agressive. Cela lui a valu, dans la satire de la Vanité, de voir Voltaire se déchaîner contre lui, avec ces derniers vers assassins : « Malheur à tout mortel, et surtout dans notre âge,/ Qui se fait singulier pour être un personnage »! Puis un peu plus loin : « Combien de rois, grands dieux ! jadis si révérés,/ Dans l’éternel oubli sont en foule enterrés !/ La terre a vu passer leur empire et leur trône./ On ne sait en quel lieu florissait Babylone ;/ Le tombeau d’Alexandre, aujourd’hui renversé,/ Avec sa ville altière a péri dispersé ;/ César n’a pas d’asile où son ombre repose./ Et l’ami Pompignan pense être quelque chose » !

Il faut dire que Le Franc de Pompignan avait, lors de sa réception à l’Académie française (10 mars 1760), prononcé un discours qui était une véritable déclaration de guerre contre le parti philosophique, espérant par-là, disait-on, se faire choisir par le roi et le dauphin pour diriger l’éducation des enfants de France. Voltaire répondit à cette provocation par une série de petits pamphlets acérés comme des flèches empoisonnées, et par cette mordante satire, dont le dernier vers fut populaire du jour au lendemain, et ruina d’un coup les ambitions du présomptueux Marquis de Pompignan.

Néanmoins Le Franc de Pompignan n’en a pas moins été un poète de talent estimable. S’il n’a pas l’élégance et l’harmonie soutenue de Jean-Baptiste Rousseau, quelques unes de ses Poésies sacrées (1751) sont vraiment chaleureuses et dénotent un vif sentiment des beautés originales de la poésie biblique. Le Franc de Pompignan a encore donné, avec succès, entre autres ouvrages, une tragédie de Didon, représentée pour la première fois sur le théâtre de la Comédie française, le 21 juin 1734, qui connut un vrai succès.

Parmi les Poésies sacrées, il faut retenir plus particulièrement les Prophéties, notamment cette traduction d’Ezéchiel sur la résurrection des morts, qui a fait dire à Eugène Manuel (1823-1901), poète et homme politique, que « si Le Franc avait été souvent inspiré comme il l’est dans les deux strophes de cette fantastique évocation, on pourrait peut-être le placer au-dessus de Jean-Baptiste Rousseau. Ces strophes, pour le mouvement et le pittoresque, sont supérieures à presque toute la poésie lyrique du dix-huitième siècle ». Et nous pourrions ajouter que l’on peut apprécier encore mieux cette belle traduction d’Ezéchiel en la comparant à celle que Lamartine a donnée du même passage dans ses Premières Méditations (la Poésie sacrée). Les vers de Lamartine sont évidemment élégants et harmonieux, mais ils sont loin d’avoir autant de vigueur et de couleur que ceux du Marquis de Pompignan.

Il convient de citer encore de ce poète une strophe, qui fut longtemps célèbre, de son Ode Sur la mort de J-.B. Rousseau (Odes), remarquable d’harmonie, au point qu’elle fit l’admiration de Voltaire. C’est dire ! « Le Nil a vu sur ses rivages/ De noirs habitants des déserts/ Insulter par leurs cris sauvages/ L’astre éclatant de l’univers./ Cris impuissants ! fureurs bizarres !/ Tandis que ces monstres barbares/ Poussaient d’insolentes clameurs,/ Le dieu, poursuivant sa carrière,/ Versait des torrents de lumière/ Sur ses obscurs blasphémateurs ».

Michel Escatafal

 

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