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Les dieux romains (1ère partie)

« Ce n’est pas étonnant qu’il n’y ait pas de roi à Rome. Chacun des trois cents sénateurs est un roi ». Voilà la déclaration que fit à son souverain  Cinéas, l’ambassadeur que Pyrrhus avait envoyé traiter avec les Romains à l’issue de la bataille d’Asculum (279 av. J.C.), après avoir vu et entendu les Romains pendant les négociations de paix. En fait Cinéas avait surtout été impressionné par l’organisation de l’Etat romain, qui contrastait évidemment avec celle qui sévissait dans son royaume. Cette organisation n’a été rendu possible que grâce à la publication des Douze Tables des Décemvirs, d’inspiration grecque et rédigées en 450 av. J.C., c’est-à-dire presque deux siècles auparavant, ce qui explique pourquoi les institutions des Romains paraissaient aussi bien adaptées aux yeux de leurs adversaires.

Auparavant Rome avait vécu sous un régime de théocratie, où le roi était aussi le représentant des dieux. Et comme le pape dans l’Eglise, il eut tout un clergé pour l’aider au point que les prêtres furent les premiers avocats de Rome. Le problème c’est qu’aucun homme ne connaissait avec un minimum de précision quels étaient ses droits et ses devoirs, et s’il y avait un procès les verdicts ne pouvaient être que basés sur une liturgie dont le prêtre seul connaissait les rites. De plus, comme le clergé était entièrement recruté chez les aristocrates, il est aisé de comprendre qu’en cas de conflits entre patriciens et plébéiens ces derniers n’avaient pas la moindre chance d’être entendus.

Le premier effet des Douze tables  fut de séparer le droit civil du droit divin, et à partir de ce moment Rome cessa d’être une théocratie, même si l’influence de la religion resta grande, comme Cicéron lui-même l’affirmait en disant que « c’est par la religion que nous avons vaincu l’univers », ou « que nos aïeux n’ont jamais été plus sages ni mieux inspirés des dieux que lorsqu’ils ont décidé que les mêmes personnes présideraient à la religion et gouverneraient la République ». Néanmoins le pouvoir des représentants des dieux s’effritait, au point qu’Appius Clodius l’Aveugle publia un calendrier de dies fasti (jours fastes) en 304 av. J.C. qui indiquait les jours où les causes pouvaient être discutées, et les procédures selon lesquelles elles pouvaient l’être.

Ensuite fut fondée une école d’avocats, qui allaient devenir les techniciens de la loi. Enfin les Douze Tables devinrent matière d’enseignement obligatoire pour les enfants allant à l’école, qui devaient les apprendre par cœur. Du coup le clergé devenait une simple armée de fonctionnaires, organisée selon des principes hiérarchiques définis et une organisation en collège, dont chacun avait à sa tête un pontife élu par l’Assemblée des centuries. A noter que le Grand Pontife, chef de la religion nationale, était un véritable roi nommé à vie par ses collègues jusqu’au troisième siècle av. J.C., puis élu par le peuple.

Le plus important de ces collèges était celui des Augures, dont la tâche était de rechercher les intentions des dieux relativement aux décisions que le gouvernement devait prendre. Ils observaient le vol des oiseaux, comme Romulus l’avait fait pour fonder Rome, mais aussi les viscères des animaux offerts en sacrifice. Le mot sacrifice signifiait « rendre sacré quelque chose », puisque ce rite était destiné à gagner la protection des dieux ou détourner leur colère.  Bien entendu les offrandes variaient en fonction des possibilités de chacun, les plus pauvres sacrifiant un morceau de pain ou de fromage, les moins pauvres un jeune coq,  voire un porc ou un mouton en cas de danger particulier (inondations). Enfin quand l’Etat sacrifiait, par exemple pour qu’une grande œuvre nationale plaise aux dieux, c’étaient des troupeaux entiers qui étaient égorgés, étant entendu qu’on réservait aux dieux l’intérieur des bêtes, et plus particulièrement le foie. Tout le reste était mangé par la population qui en profitait pour faire bombance.

A noter qu’il fallut attendre une loi, que Pline (23-79) situe dans les années 90 av. J.C., étendue aux peuples soumis, pour que fussent interdits le sacrifice… de victimes humaines, auxquels avaient droit les esclaves, les prisonniers de guerre, et si l’on en croit Plutarque ou Tite-Live des couples d’étrangers, loi qui aurait été « inspirée » par Hercule d’après l’historien grec Denys d’Halicarnasse (60 av. J.C.-8). Cette loi ne fut pas toujours appliquée, notamment au moment des guerres civiles, puisqu’on rapporte qu’après la guerre de Pérouse (40 av. J.C.), Octave aurait fait immoler sur l’autel de César plusieurs centaines de notables. En outre il arrivait aussi qu’en cas de grands dangers ou de catastrophes majeures, des citoyens offrent carrément leur vie pour le salut de la nation, comme un certain Marcus Curtius qui, au quatrième siècle av. J.C., se jeta dans un gouffre au forum de Rome, ouvert suite à un tremblement de terre, pour apaiser les dieux des enfers.  Mais il n’y avait pas que les sacrifices pour complaire aux dieux, car il y avait les cérémonies de purification qui consistaient à faire des processions plus ou moins importantes en chantant des carmina, hymnes pleins de formules magiques auxquelles personne ne comprenait rien, mais dont on imaginait qu’elles devaient  faire plaisir aux dieux.

Michel Escatafal

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