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Mairet : un grand poète égaré par la jalousie

mairet.jpgNé en 1604 à Besançon, Jean Mairet écrivit, dès 1625, une tragi-comédie, Chryséide et Ariman, et  remporta un grand succès l’année suivante avec sa tragi-comédie pastorale de Sylvie. En 1634 il donna sa Sophonisbe, qui restera pour la postérité son œuvre majeure, et qui fit de l’ombre à tout ce qu’il écrivit par la suite qui, de l’avis des critiques de l’époque, manquait tout simplement de valeur. Parmi les autres œuvres que Mairet nous laissa, il faut signaler sa pastorale Silvanire (1629), dont la préface lui vaudra d'être qualifié « d'inventeur des règles du théâtre classique », sa comédie des Galanteries du duc d’Ossone (1632), Le Marc-Antoine ou la Cléopatre (1635), et sa tragi-comédie de La Sidonie (1640 ou 1641) qu’il considérait pour sa part comme la plus achevée des douze tragédies qu’il publia.

Ce fut aussi la dernière, car il se retira dès lors définitivement du théâtre, supportant très mal le succès de  Pierre Corneille, ce qui ne l’empêcha pas de lui survivre de deux ans puisqu’il ne mourut qu’en 1686. Hardy et les poètes de son école avaient, on le sait, renoncé à cette régularité que les tragiques du seizième siècle avaient observée sur l’exemple des anciens, Jean de la Taille (1540-1608) en ayant été le précurseur  dans la préface de Saül (1572). Mairet entreprit de prouver que la tragédie pouvait se plier à la règle des unités sans perdre de son intérêt.

Il y réussit parfaitement avec sa Sophonisbe, tragédie à la composition de laquelle on ne peut rien trouver à reprendre, si ce n’est que les évènements y sont resserrés presque jusqu’à l’invraisemblance. Pour mémoire je rappelle que la pièce raconte l’obligation, imposée par Scipion et son compagnon d’armes Lelius au Numide Massinissa (238-148 av. J.C.), de livrer ou d’abandonner sa femme Sophonisbe qu’il venait d’épouser, ce que Massinissa refusa, ce dernier lui faisant apporter une coupe de poison avant de se poignarder.

Le sujet est aisément perceptible, le développement logique, et si les caractères n’y sont pas exactement conformes à la vérité historique (Massinissa ne s’est pas suicidé), ils sont du moins vivants  et tracés parfois avec une sorte d’indécision, pas forcément recherchée mais non dénuée de charme ni de vraisemblance. Le style enfin, gâté par endroits de quelques traits de mauvais goût, est presque toujours et tout à la fois noble et aisé. 

Tout cela explique  pourquoi l’apparition de La Sophonisbe  marque une date importante de l’histoire de notre théâtre. D’ailleurs elle s’est  longtemps maintenue sur le devant de la scène, beaucoup plus longtemps en tout cas que celle, plus proche de la vérité historique, que Corneille écrivit sur le même sujet en 1663. A ce propos,  il est très regrettable que Mairet, égaré par la jalousie, n’ait jamais voulu reconnaître la supériorité du génie de Corneille, au point de se ridiculiser en étant parmi les plus ardents et les plus injustes détracteurs du Cid.

Michel Escatafal

 

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